Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Clameur IV

Dans la chambre à coucher du couple, un grand lit accueille les deux enfants. Allongés l’un près de l’autre, habillés soigneusement, ils portent un crucifix sur la poitrine. Ne nous y trompons pas. Aucun doute, aucun espoir. Ils sembleraient endormis et calmes si ce n’est leur attitude rigide, leur visage difforme au teint violacé, les lèvres boursouflées, les ecchymoses à la base du cou.

De l’autre côté de l’étroit couloir, à droite, la salle de bains. Béante. Ouverte sur un cri inarticulé. Ici, l’odeur douceâtre du sang se mêle aux parfums fanés de lavande. Ici, marchons lentement. Avec recueillement. Avec respect. Ici, une femme a justifié sa souffrance. La femme qui a tué ses enfants. Jeanne.

Délicatement allongée dans la baignoire immaculée, elle est habillée de sa robe de jeune mariée, revêtue à l’occasion. Du taffetas couleur crème absorbant le liquide en constellations asymétriques sur la jupe longue. Sa main droite effleure gracieusement le carrelage. Sur l’émail blanc, le sang se coagule en plaques sombres créant des arabesques florales. Saisissante horreur. Horrible beauté.

Respectons leur silence. Descendons.

Déjà l’homme s’approche de la maison. Sa main sur la poignée de la porte d’entrée, il discerne le halo qui fait signe par la vitre, s’étonne, intrigué par l’absence de bruit. Il franchit le seuil, s’obstine dans les gestes mécaniques de toujours. Essuie ses pieds, enlève son manteau, l’accroche sur la patère, s’aventure dans le séjour et appuie sur les interrupteurs.

Le temps s’est écoulé depuis que Jeanne a préparé le feu. Il n’est que cendres froides. L’homme contemple l’âtre. Une interrogation muette se lit sur son visage. La bise s’engouffre par le tuyau du conduit et il frissonne. Ses lèvres bleuissent. Serait-ce le vent qui le rattrape ?

D’un pas pesant, l’homme explore son domaine. D’une pièce à l’autre, il erre, sème les lumières sur son passage. Bientôt, pas un seul recoin ne reste voilé. Le voilà qui s’approche de la table où le message de Jeanne est posé, tend le bras. Son geste quelque peu brusque heurte le verre, le brise.

Le message ? Non. Nous ne pouvons l’empêcher de le lire. Il le faut. Il n’a pas encore contemplé le corps de ses enfants étendus sur le grand lit du premier étage. Ni regardé Jeanne dans sa pureté nuptiale.

(à suivre)

Commentaires

  • Bonjour et bon anniversaire
    J'attend la suite de La Clameur IV

  • tricor medicine tricor https://wikis.uit.tufts.edu/confluence/download/attachments/12583060/tric.html

  • Dear Travis,
    Ne confondons pas création fictive et réalité. Je ne pouvais déscemment introduire tricor dans ce récit sans froler la parodie, n'est-ce pas ? Mais votre suggestion est intéressante et je vous promets dans une nouvelle histoire d'utiliser ce filon, ou du moins d'essayer très prochainement.
    Amicalement, File la laine

Les commentaires sont fermés.