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Vers à l'envers

  • Nuit qui veille

    Il y a la nuit, la nuit qui tombe comme des gouttes d'eau du ciel

    Il y a la pluie, la pluie qui veille les larmes des nuits,

    Il y a les pensées, pensées qui galopent dans des vents-mémoires,

    Nuits et pensées se confondent, obscures, dérangeantes, acerbes

    La nuit dort dans les bras du sommeil, la pensée louvoie, la pluie veille,

    La nuit, la pensée, la veille.  Pluie effroi veille.

     

  • La Lettre III (fin)

    Le regard est le premier des contacts. Le premier toucher, impalpable mais sensuel. Je plonge dans tes yeux immenses et sombres et me laisse subjuguer par le charme de ton corps. Une pulsion irrépressible me pousse et m’attire vers toi, et ton regard électrise tout mon être. Je t’enferme dans l’espace de mes bras. J’embrasse tes lèvres pulpeuses que j’aime croquer jusqu’au sang. Je laisse mes lèvres et ma langue descendre sur ton corps lisse qui se transforme et s’épanouit. Je caresse tes seins qui se dressent et durcissent sous ma bouche, je m’ aventure sur ton ventre et embrasse ta verge chaude et dressée comme un objet incongru hors de mon sexe qui brûle de la recevoir. Je fais durer l’attente. J’attise le feu afin qu’au moment où nous nous rejoignons, ton sexe fusionne avec le mien qui attend d’assouvir sa brûlure douloureuse dans ton éjaculation. Je recommence et dévore chaque parcelle de chair nue offerte sans retenue encore et encore et nous finissons ensemble dans l’anéantissement orgasmique. Un soubresaut et je me réveille avec l’amertume d’avoir perdu ta trace. Ma main s’attarde sur les draps froids et mon corps se glace. Tu n’es plus là… Pourtant je sens encore au bas de mon ventre ton sperme se mêler à ma propre jouissance. Le vide n’est que plus poignant. Ce n’était donc qu’un rêve ? Un rêve si beau, si fort, que je voudrais y rester éternellement. Je ne bouge plus. Je te contemple à nouveau. Tu restes immobile dans un brouillard qui t’enveloppe et me cache l’expression de ton visage. Je décèle une tristesse dans tes yeux. Je crie, je t’appelle et tu te détournes de moi. Ne t’en va pas ! J’ai tant attendu…Trop tard. Ton image s’efface et un homme inconnu prend ta place. La frustration remplace le désir. Avec les autres rien n’est pareil. Je répète ton prénom comme une incantation. Oui, je signerais le Pacte du diable pour sentir encore une fois ton membre en moi. Je crie, entre l’extase charnelle et la détresse morale. Je te maudis ! Parce que tu n’es pas là, parce que tu me laisses à nouveau dans la solitude et que je n’en peux plus de vivre dans les rêves. Dire encore que je souffre ? Que la solitude me pèse ? Dire que ton absence me détruit inexorablement est une banalité, un lieu commun ! Comment me libérer de cette torture ? J’ai promis de ne pas te suivre, d’attendre patiemment que tu viennes à moi… Que l’attente est donc longue ! Insoutenable ! Le sommeil me fuit l’absence foudroie mes membres et je suis exténuée. Si tu pouvais venir, donner un signe, confirmer ou infirmer mes pensées ! Impossible ! Je hais les mots, je hais les pensées et encore plus je hais les sentiments que j’éprouve pour toi. Je te hais ! Je me lève, je m’habille en hâte. Je ne peux pas te perdre ainsi, sans rien dire, sans te parler. Tu dois savoir, m’écouter, comprendre ce qui s’agite en moi. Je décide de venir te voir. En chemin, j’imagine ce que je te dirai, et ce que tu répondras en conséquence. Une sueur froide m’enveloppe mais je ne recule pas. D’un geste déterminé je sonne à la porte et je patiente jusqu’à ce que tu m’ouvres. Je balbutie un bonjour, j’explique les raisons de ma présence, je te demande de me laisser entrer. J’ignore l’expression d’étonnement sur ton visage, le bruit de la porte qui se referme sur moi. Tu me suis, tu parles, tu expliques quelque chose.

    Je m’avance au centre de la pièce, mon cerveau refusant d’assimiler ce qu’il voit, ce qu’il entend. Des étoiles voltigent devant mes yeux, et je cligne des paupières. Les sons s’estompent dans un silence cotonneux et la lumière de cette joyeuse matinée se ternit.

    Elle est là, la belle ensorceleuse. Adossée gracieusement dans un fauteuil, pleine de confiance et de féminité, ses cheveux épars sur le dossier, les lèvres rouges offertes dans un sourire accueillant de bienvenue. Celle qui s’interpose définitivement entre nous, celle qui emplit ton espace et ton âme, ta vie et ton être est là.

    Je te regarde, une supplique muette au fond des yeux. Non ! Ne me la présente pas ! Je ne veux pas la connaître Je ne veux pas apprendre à la connaître, à l’apprécier, à chercher les raisons qui font que tu l’aimes, et non pas moi. Je ne veux pas savoir quelles sont les qualités qui font pencher la balance de son côté. Mais surtout, je ne veux pas apprendre à l’admirer, à la respecter, à l’aimer, parce que c’est accepter de te perdre. D’ailleurs, cela est déjà fait !

  • La Lettre II

     

    Comment vivre après toi ? Que faire ? Que dire pour te retenir, te garder près de moi, te garder dans mon espace vital ? Je te trouverai, je te raconterai combien je t’aime, combien je ne puis vivre sans toi, sans savoir où tu seras, où tu iras. Je te dirai : ne t’en vas pas, reste ! Reste près de moi, car je t’aime, et même ce mot est faible pour exprimer le feu qui me consume ; je souffre quand tu n’es pas là, et aussi quand tu es là sans faire attention à moi, quand les autres absorbent toute ta concentration, quand tu ne me regarde pas, quand tu pars sans mot dire, sans même remarquer que je suis là ; je meurs lorsque tu me parles comme à une connaissance quelconque, comme à quelqu’un qu’on connaîtrait vaguement, mais qui est sans importance, sans réelle consistance. Je te dirai : je t’offre mon cœur, mon souffle et mon existence, pourvu que tu m’aimes en retour, pourvu que tu restes ! Il n’y a pas d’humiliation trop grande, trop profonde que je n’accepterais pas si tu voulais de moi ! Je lui dirai : emmène-moi, emporte-moi, là où tu iras, comme un objet chéri, qu’on caresse, qu’on cajole, qu’on embrasse comme s’il était en mesure de nous rendre cette affection. Je te rendrai ton affection au centuple. Je peux t’offrir tant en échange de si peu ! D’ailleurs, je ne peux pas dire que je n’ai rien de toi ! Amis, nous le sommes. En apparence. Tu m’offres parfois un peu de ton temps, de ton attention. Tu t’attardes pour bavarder quelques minutes. Tu me souris quand nous nous croisons de loin. Mais cela ne suffit pas. Comment peut-il suffire ? Peut-on se contenter de l’infime quand nous n’aspirons qu’à l’absolu ? Parfois, tu t’empresses de partir, tu inventes des excuses qui ne semblent pas crédibles. Tu esquives les questions, tu réponds évasivement et tu disparais, derrière une porte, dans la foule. Hier encore tu étais comme une ombre qui glisse sur les murs et s’assimile à la nuit, insaisissable.

     

    Me voici à nouveau seule. La fièvre consume mon corps et mon esprit s’assombrit. Je sens ma bouche s’assécher et je sais que nulle eau ne pourra étancher ma soif. Aucun remède ne peut apaiser la douleur qui me brûle dans les entrailles. Comment est-ce possible ? Comment suis-je arrivée à cela ? Quand cela a-t-il commencé ? Pourquoi je n’ai pu prévenir ce qui m’arrive ? Je n’ose même pas appeler cela par son nom. Je sens autour de moi un chaos qui se creuse, irrémédiablement. Et je sais que tôt ou tard il m’engloutira dans ses ténèbres. Comment y échapper ? Que faire pour arrêter le processus de destruction ? J’ai beau écouter la voix de la raison, j’ai beau insister sur l’absurdité de la chose, je sais qu’elle est là. Destructrice, dévastatrice comme jamais elle ne le fut. Avant, je pouvais me dire que rien ne faisait obstruction à ce que cela s’accomplisse. Désormais cela est impossible. Je suis incapable de contrôler les convulsions qui brisent mes membres et me rendent impuissante à effectuer les tâches les plus courantes, les plus simples. J’ai envie de pleurer, de crier, de hurler. Mon Dieu, quelqu’un ! Aidez-moi ! Je ne puis sortir de ces ténèbres seule, je besoin qu’on m’aide, qu’on me guide, qu’on me conseille. Sa voix, son regard, ses gestes restent imprimés dans mon être et m’obsèdent. C’est lui qui m’obsède, il me possède entièrement, totalement, exclusivement. Je sais que cela ne devrait pas être mais cela est. Suis-je folle ? Suis-je perdue à ce point pour qu’aucune logique ne puisse arrêter ma progression vers l’enfer ? Car, en enfer, je suis. Il n’est pas là. Il ne peut pas être là ! Comment le rejoindre ? Par quels moyens ? Je chuchoterais son nom dans mes rêves, je murmurerais son nom dans son oreille, je lui dirais des mots d’amour, de souffrance et de destruction, je l’aimerais avec mon cœur, avec mon corps et mon âme, je l’aimerais à l’infini, je le seconderais dans sa recherche du plaisir, je supporterais son silence, sa peur, son mépris, son…Non ! Pas cela ! Pas son infidélité. Personne d’autre ne le touchera, aucune autre femme ne souillera son corps tant que je suis vivante. Je le veux, à moi ! Complètement, entièrement, pour toujours. Le désir est si fort que la tête me tourne. Mon corps est secoué de spasmes, la nausée brûle ma gorge et j’étouffe mes sanglots pour faire bonne figure. Viendra-t-il ? Ferait-il ce pas vers ma perte ? Mais en quoi est-il responsable ? Jamais, oh, non ! Jamais il n’est sorti du cadre de la bienséance. Jamais une idée aussi farfelue, aussi folle ne lui a effleuré l’esprit. Innocence. Voilà le mot qui le qualifierait. Seul un esprit pervers et perverti pourrait penser à une évolution de cet ordre. Mais alors, suis-je donc pervertie ? Rares étaient les cas où j’ai pu choisir sans discernement. Pourtant je n’ai pas choisi. Cet amour est arrivé par surprise, en traître. Je me suis sentie noyée dans son regard et je me suis perdue. Je ne l’ai su que dans mes rêves. Il était là, présent, sans mot dire, avec ses immenses yeux innocents, et ce sourire incomparable, serein, calme, sûr de lui comme s’il le savait depuis le début, comme s’il m’avait attendu toute une éternité. Dois-je y aller ? Dois-je laisser les sensations et les sentiments m’avaler ? Ou bien, suis-je obligée de feindre l’indifférence ? Oh ! Cela est à nouveau impossible ! J’ai essayé. Mon rêve est revenu me hanter, démolir le semblant de quiétude que je m’étais construit. Je chuchote les lettres de son nom et chacune d’elle s’imprime au fer rouge dans ma chair et mon âme. Je t’aime ? Je ne t’aime pas ? Mots sans réalité pour l’esprit. Seules la présence ou l’absence ont une existence. La présence est une douce satisfaction d’être près de lui, de pouvoir plonger dans ses yeux, de pouvoir le regarder inlassablement, de guetter son sourire, un éclair au fond du regard, un mot dérobé, un geste, un mouvement furtif qui me serait adressé. Quant à l’absence, elle est une torture raisonnable, pieuse, logique. Mais que faire de la logique, du raisonnable ? Je n’en veux pas! Je le veux, lui ! Peu m’importent les règles, les lois, sociales ou morales. Je m’en moque. Je meurs lentement de son absence et de la jalousie de savoir d’autres femmes proches de son corps, de son regard, de ses désirs. Ceci est un paradoxe. Je sais cela irréalisable mais je ne peux m’empêcher d’éprouver de la jalousie, de la détresse. Que faire ? Comprendre d’abord ce que j’éprouve. Ou plutôt l’accepter. Me voilà à nouveau anéantie par sa pensée. J’enfonce mes dents dans mon bras très fort. La douleur physique estompe un instant la douleur morale que j’éprouve. Mon Dieu ! Ne pas gâcher notre belle amitié, cette relation privilégiée que nous avons construit conjointement. Ensemble, pas à pas, doucement. Un édifice dans lequel je me suis enfermée, où je me suis perdue. Rien d’autre n’a de l’importance. Quand je suis seule, je suis ailleurs, avec lui. Je ne peux imaginer un seul instant sans sa présence. Pourtant, seule, je le suis. Viendras-tu ? Finiras-tu par franchir un pas encore vers ma destruction ? Sais-tu le mal que tu me fais ? Oui ! Tu le sais ! Volontairement. Sciemment. Ton silence me le dit. Ton regard est aussi éloquent que les mots que tu ne prononces pas. Tu t’ acharnes parce que cela satisfait ton amour propre, ton orgueil. Je t’en prie, ne joue pas à ce jeu ! Quel plaisir peux-tu éprouver à me détruire petit à petit ? Sors de mes rêves ! Ne hante plus mon sommeil. Écarte de moi cette chape de plomb qui m’enferme vivante dans un catafalque. Oh ! Je sais. Tu veux me l’entendre dire ? Tu veux assister à mon ultime humiliation ? Eh bien, je le dis : je t’aime. Je ne peux pas vivre sans ta présence. Oh ! Voilà encore cette fièvre qui s’empare de moi, cette frustration de savoir que cela est impossible. Ne puis-je pas substituer ton image à celle d’un autre ? Ne puis-je pas vivre après t’avoir connu ? Je veux imaginer tes lèvres sur les miennes, je veux imaginer un baiser fougueux et interminable, une caresse qui provoquera la fusion de nos deux corps, l’anéantissement s’ils venaient à se séparer. Je dors dans l’espoir de te rencontrer. Et soudain, mon vœu est exaucé. Tu avances dans ma direction. Tu t’approches. Tu es là !

  • La Lettre

     

     

    Quel fut l’instant où l’univers s’est restreint à son seul regard, à son seul sourire ? Quel fut l’instant où le monde tout entier fut absorbé par le seul espace de son corps ? Quel fut le moment, cette seconde fatidique où tous les autres se sont transformés en ombres évanescentes pour ne laisser place qu’à un seul être ? Quand cela s’est-il produit ? Et à quel moment ? Que s’est-il passé ? Que sais-je ? Que m’importe ?

    Je n’ai pas le temps de le comprendre, pas le temps de le savoir, de consacrer mes heures à méditer sur la situation. Car, je vis dans l’urgence. L’urgence de le voir, de lui parler, de l’approcher, de le contempler. Son nom ? Un souffle apaisant sur mon cerveau enfiévré, une caresse consolatrice sur mon cœur meurtri. Son nom, quelques lettres éparses, quelques sonorités abstraites qui, assemblées, forment mon unique univers.

    La vie d’avant (y en a-t-il eu une ?) n’était que succession d’instants, d’événements, de rencontres, de sourires et de larmes, vite passés, vite remplacés, vite oubliés. Elle semblait inaltérable, inaliénable. Puis…

    Un matin, rien d’autre n’avait de l’importance à part ce désir dévorant d’être près de lui, avec lui, de ne plus être hors de sa présence, de son amour. Le reste n’avait plus d’importance ; le reste, était le fardeau à porter pour être avec lui, et continuer à le voir, à lui parler, à vivre quelques moments fugitifs près de lui. Et il va partir, sortir de mon quotidien, s’aventurer vers un ailleurs dont je n’en ferai pas partie, il évoluera dans d’autres lieux où je ne pourrai pas avoir accès. Je ne pourrais plus le voir ni lui parler ; je n’entendrai plus les sonorités chaudes de sa voix si particulière. Je resterai seule dans l’espace vide laissé par son corps absent, seule, avec le manque, avec la détresse pour seul compagnon, malheureuse et à jamais triste. Il part ! Et je ne peux le garder, je ne puis l’accompagner…