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Terra Incognita (5)

1.jpgJe respire profondément. Surtout ne pas paniquer. Je vérifie à nouveau. Paris, la sortie, la route, la station essence... Je jette un coup d'oeil au  GPS qui affiche imperturbable la direction à suivre. Mes pensées sont confuses. Que se passe-t-il ? Je ne comprends plus rien ! C'est absurde. On dirait que nous n'avons pas avancé depuis notre première pause. Que faire ?

Je plie la carte. Faustine et les enfants reviennent et s'installent dans la voiture. Sans un mot, je mets le moteur en marche, puis le clignotant et j'appuie doucement sur l'accélérateur. Le puissant véhicule se lance sur la chaussée. J'accélère. Le compteur indique 90 kilomètres. J'accélère encore. Rapidement  j'arrive à 100 ;  je continue à appuyer.  Nous roulons à 120 kh/h, bientôt 130. Avec une sorte de jouissance j'observe le compteur qui dépasse maintenant les 140 kh/h.

- Milan ! Ralentis ! Tu vas nous précipiter dans le décor ! Qu'est-ce qui te prends ?

- Quoi ? Je ricane. Ce n'est pas un peu de vitesse qui te fait peur !

Je sens la machine vibrer sous mes pieds. J'atteins plus de 150.

- Milan ! Arrête ! Tu vas nous tuer ! Arrête, je te dis ! hurle Faustine. Tu perds l'esprit.

Je ne réplique rien. Je suis comme hypnotisé par le rugissement du moteur. La voiture avale les distances.

- Pour l'amour du ciel, Milan ! On va avoir un accident !  Ralentis, s'il te plait. Tu me fais peur.

Je ne daigne pas répondre mais je relève le pied de l'accélérateur. La voiture continue sur sa lancée et finit par perdre de la vitesse. Je reprends une allure plus raisonnable.

- Excuse-moi, Faustine. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je voulais voir...

- Ne recommence plus, tu m'entends ! m'interrompt-elle. J'ai cru que nous allions percuter les barrières. Tu es fou de rouler si vite.

- Je voulais voir quelque chose.

- Ah ! Quoi donc ?

J'évite de répondre à sa question. Comment aborder le sujet sans alerter les enfants, sans lui faire peur ?

- Tu n'aurais pas mis un paquet de gâteaux dans le coffre ? Histoire de manger un peu en attendant ?

- Tu sais bien qu'il ne faut pas grignoter avant  le repas sinon...

Elle s'arrête soudain. Elle vient de comprendre. J'entends sa respiration s'accélérer. D'un doigt qui tremble légèrement, elle montre le bas côté de la route.

- Arrête-toi là...

Sa voix s'étrangle dans sa gorge. Je stoppe le moteur. Nous descendons de la voiture sans faire particulièrement attention à la route. D'ailleurs, nous ne risquons rien. Nous sommes totalement seuls sur ce chemin. Abrités du regard des enfants derrière le coffre ouvert, nous nous dévisageons quelques instants. Par où commencer ? Faustine me facilite la tâche.

- Nous sommes perdus.

- Pas exactement. Nous sommes toujours sur la route qui nous mène à Biarritz. Sauf que...

- Sauf que ?

- Eh, bien, nous n'avançons pas vraiment.

Elle répète bêtement ce que je viens de lui dire.

- Nous n'avançons pas vraiment ! ?

- Après la station essence nous avons parcouru plusieurs dizaines de kilomètres. C'est comme si nous avancions sur place.

- Nous avancions sur place ! ? reprend-elle  ce qui m'énerve prodigieusement.

- Cesse de répéter ce que je dis ! Nous n'avançons pas ! Nous roulons, roulons et nous restons sur place !

- C'est ridicule ! Comment veux-tu rouler et rester sur place ?

- Je ne sais pas. Je ne comprends pas plus que toi. Ce que je sais c'est que nous sommes toujours au même endroit. Il est une heure passée et nous aurions dû être proches de notre destination ! Au lieu de ça...

Sans un mot, Faustine ouvre un sac et sort un paquet de gâteaux au chocolat et une brique de jus d'orange, rabat le coffre.

- Allons-y ! dit-elle. Partons.

Je la suis dans la voiture. Elle distribue à chacun des gâteaux et donne à boire aux enfants à même le carton. Nous n'avons pas de verre.

- Démarre ! ordonne-t-elle.

J'obéis et  tourne la clef de contact.  Je passe la première et laisse glisser le véhicule lentement sur la chaussée.. Les pneus soulèvent un nuage de poussière grise qui part rencontrer ceux qui courent déjà à l'horizon. Le soleil semble terni tout à coup.

A nouveau la route s'étale devant nous. Interminable.

 

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