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littérature merveilleuse &fantastique

  • Cendrillon et les talons aiguilles (2)

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    Cendrillon s’ennuyait.

    Depuis un certain temps déjà, le luxe, les fastes du palais, les bals avaient perdu leurs attraits. Assurément, elle vivait dans des appartements spacieux. Elle possédait des équipages luxueux, des habits pour chaque occasion, des bijoux et des parures somptueux. Des dizaines de serviteurs prévenaient ses moindres désirs. Elle avait une dame de compagnie pour discuter, s’amuser, se promener avec elle lorsque le Prince était occupé et une femme de chambre pour l’aider à se laver, s’habiller, se coiffer. A table la nourriture était abondante et variée et les cuisiniers s’activaient toute la journée pour satisfaire ses goûts. Les distractions étaient nombreuses, les cérémonies et les réceptions régulières. En été elle partait avec le Prince et sa famille aux bains de mers. En hiver à la montagne. En automne à la chasse, au printemps à la campagne. Chaque matin, elle recevait dans son salon particulier des visiteurs de marque venant des quatre coins du pays. Elle s’entretenait de musique, de philosophie, d’art, de poésie avec d’illustres Maîtres. Chaque soir, elle assistait à divers spectacles : théâtres, ballets, opéras, concerts. Lorsque la nuit venait, après s’être retirée dans sa chambre, c’est totalement épuisée que Cendrillon se jetait sur son vaste lit et dormait d’une traite jusqu’au matin suivant. Cependant, malgré cette vie que d’autres envieraient et appelleraient dorée Cendrillon s’ennuyait ferme. Elle avait beau faire, la vie au palais et à la cour lui pesait.

    Au début, bien évidemment, elle avait été enchantée de sa chance, flattée d’avoir été choisie par le Prince pour devenir sa femme. Touchée de l’affection que chacun lui témoignait, émue par l’amour et la gentillesse du Prince, émerveillée par les richesses qui l’entouraient, Cendrillon se considéra la plus heureuse fille du monde, voire de l’univers tout entier. Son bonheur aurait été total si une petite idée n’était pas venue assombrir ses pensées, tel un grain de sable qui se glisse dans une mécanique et la dérègle. C’est que depuis son mariage, son entrée au Palais et à la cour du Roi, Cendrillon n’avait rien fait ou décidé d’elle-même. Aucune activité n’avait été choisie par elle, aucun travail de quelque nature qu’il fût n’avait été entrepris sous son initiative personnelle. Cela, Cendrillon ne le supportait que difficilement.

    Même l’amour de son Prince, les égards avec lesquels il l’entourait, l’affection du Roi et de la Reine ses beaux-parents, ne suffisaient pas à chasser cette morosité qui, insidieusement pesait sur son cœur et la rendait mélancolique. Elle comparait son ancienne existence à sa situation actuelle et elle soupirait tristement.

    Parfois, assise au fond d’un confortable fauteuil près de la fenêtre dans son salon privé, Cendrillon rêvait. Que de souvenirs lui revenaient en mémoire !

    Elle ne pouvait s’empêcher de songer à l’époque où elle habitait dans la maison paternelle avec ses deux demi-sœurs et leur mère. Là-bas, elle avait toujours tellement à faire ! Elle se souvint qu’elle s’occupait elle-même de la maison de sa marâtre : du ménage, de la cuisine, du jardin et du potager, du poulailler, des travaux divers et variés qui l’accaparaient chaque jour. Il fallait laver le linge, nettoyer, astiquer les casseroles, préparer les repas. La jeune fille devait aider ses sœurs à leur toilette, ranger leurs chambres, faire les courses. Elle réfléchissait aussi aux mille et une petites choses qui constituaient jadis son quotidien. Elle pensait avec nostalgie à l’époque où elle cousait, raccommodait ses pauvres vieux habits, où elle lavait ses cheveux sans se soucier de s’éclabousser un peu, ou elle cueillait des fleurs pour embellir sa mansarde. Elle revoyait les moments agréables où elle s’asseyait près de la cheminée pour se réchauffer les mains et où les cendres venaient se déposer sur ses gros sabots de bois et les rendaient gris au point que ses belles sœurs l’avaient surnommée de ce nom ridicule Cendrillon. (Au début elle détestait qu’on la nomme ainsi, mais petite à petit, elle considéra que ça lui allait bien et désormais, personne ne l’appelait autrement.) Elle n’avait été que le souffre douleur de ses deux demi-sœurs et de sa belle mère. Mais elle avait son libre arbitre et pouvait faire ce que bon lui semblait à ses rares moments de liberté. Avec un pincement au cœur, elle sortait de sa cachette un plumeau apporté en souvenir de son ancienne existence lors de son mariage et le contemplait avec tristesse.