Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Clameur

Imaginez. Imaginez un vingt-trois décembre. Ne songez pas aux fêtes qui approchent dans une excitation fébrile d’achats et de lumières. Ni aux villes baignées de gaieté factice, accrue à l’approche de Noël. Imaginez plutôt cette période de l’année où les journées sont très courtes, les nuits interminables. Imaginez les matins mornes quand le soleil éprouve de la peine à se maintenir en équilibre au zénith, les levers où nous vivons au ralenti. Nous avons de la peine à nous mouvoir, chancelants entre veille et rêves. Songez aux instants d’expectative, d’engourdissement où le printemps n’est qu’ébauche, les projets remis à plus tard. Imaginez, donc une fin de journée assombrie, lascive, alourdie par le ciel bas. Au septentrion, l’obscurité court à l’horizon.

Imaginez à présent une campagne anonyme, fouettée par le vent glacial de l’hiver. Le crépuscule enveloppe les bâtisses et les transforme en ombres indistinctes, lointaines. Bientôt, la nuit pointera son visage, s’installera, occultera les détails, le paysage. Cependant la lumière déclinante suffit pour que nous discernions encore clairement ce qui nous entoure. Ca y est ? Vous y êtes ?

Imaginez un homme solitaire qui parcourt cette campagne. Le voyez-vous ? Il n’est qu’une silhouette emmitouflée dans un manteau. La tête penchée, il s’avance, contre le vent. Sa démarche est difficile, lente à cause des rafales. Cependant il sait qu’il arrivera bientôt à destination. Alors, il allonge le pas, se penche davantage pour arriver plus vite.

Arrêtons-nous un instant. Etudions ensemble cet individu. Regardons-le se mouvoir. Economie du geste, fermeté de la démarche. Agilité du mouvement. Détermination du visage. La particularité de cet homme ? Il n’en a aucune. Le caractère égal. L’humeur aussi. L’aspect quelconque. Chez lui, aucun trait n’est plus prononcé qu’un autre. Aucune caractéristique ne dénoterait sa présence dans la multitude. Uniformité. Tel est le terme qui qualifierait ce quidam qui chemine dans la bise par cette soirée du vingt trois décembre. Pourquoi lui me direz- vous ? Dans les rues peuplées d’une ville il passerait sûrement inaperçu. Nous n’aurions pas l’opportunité ni le temps de le suivre. Trop absorbés par les distractions qui s’offrent à chacun, nous le perdrions rapidement de vue. Certes. Cependant, dans cette campagne où nous nous aventurons, il est impossible de le manquer. En ces lieux, chaque être est suffisamment particulier, rare, pour qu’on le remarque. Suffisamment important pour que l’on s’intéresse à lui, à son existence. D’ailleurs, si nous le remarquons, c’est uniquement parce que cette histoire est la sienne. Du moins, il y est associé. Malgré lui.

(à suivre)

 

Les commentaires sont fermés.