Le Vieux Bombyx fit une pause. Intérieurement, il jubilait. Pas un seul vers parmi les jeunes enfant-vers du mûrier n'avait bougé depuis qu'il avait commencé son récit. Il était un vers à soie expériementé et avait roulé sa bosse. Il avait évité beaucoup de désagréments dans sa longue existence, rencontré des gens de tout acabit. Il s'était battu pour sa subsistance. Il avait plaidé pour garder sa liberté, et son indépendance, argumenté pour être seul maître de sa déstinée. Il lui avait fallu du temps et des efforts pour gagner le droit à la tranquilité et au respect. Il savait aussi, comme personne d'autre raconter des belles histoires et, biensûr, il savait ménager le suspense. Il se tut donc et observa son auditoire malicieusement.
Le silence se prolongea jusqu'à ce que les petits vermisseaux du mûrier se mettent à protester. Ils réclamaient la suite.
- Il est l'heure de rentrer chez vous maintenant les enfants. Je suis fatigué et j'ai besoin de sommeil pour me requinquer. Allez ! Oust ! Je vais dormir.
- Allons, grand'père ! Tu ne peux pas t'arrêter maintenant ! Juste au moment où Platon est catapulté devant le Capitaine ! Raconte !
- Que voulez-vous que je raconte ? Vous avez compris ce qui va se passer, non ?
- S'il te plaît, grand'père !
Sous son allure bourrue, le Vieux Bombyx avait un coeur sensible et tendre comme du beurre. Il aimait la tranquilité, mais il adorait plus encore la compagnie, et les enfants en étaient une excellente. Ses yeux pleins de malice brillèrent.
- D'accord ! Puisque vous insistez, je vais bien poursuivre. Mais auparavant, allez me chercher une gouttelette de jus de mûres blanches. J'ai le gosier sec à force de parler !
Deux d'entre eux, filèrent apporter des grosses mûres bien juteuses qu'ils offrirent au vieux Bombyx qui, rassasié, reprit notre conte.
Vous imaginez la surprise du Capitaine et de sa compagnie lorsqu'ils virent atterrir devant eux l'agneau qu'ils croyaient mort, arrivant de nulle part, bien en vie et en bonne santé ! Ils s'empréssèrent de l'examiner, et lui posèrent de tas de questions aux quelles il ne put répondre. Malheureusement, Platon fut incapable de dire comment il avait atterri au milieu d'une ruelle juste au moment même où le Capitaine s'y trouvait. De même qu'il fut impossible pour lui de se rappeler quoi que ce soit sur la Sirène des mers.
- Concentre-toi, Platon ! insista Phyllis. Te souviens-tu quand la Sirène t'a emporté avec elle ?
- Je me rappelle que nous étions tous assis tranquillement près de la barque. J'ai voulu regarder la mer et me suis approché de la berge. Ensuite, j'ai glissé et suis tombé. J'ai eu très peur. Mon coeur battait très fort comme un oiseau qui veut sortir de sa cage en volant dans tous les sens. Mais après, je me suis senti au chaud et en sécurité. Et avant que je ne comprène ce qui m'arrive et où je me trouve, le Capitaine me bousculait en me posant de tas de questions bizarres.
Phyllis et Océane entreprirent de raconter à Platon ce qui s'était réellement passé. Elles insistèrent sur de nombreux détails mais rien n'y fit. Platon avait oublié tout ce qui se produisit avant son enlèvement par la Sirèene des mers.
- Ce n'est pas grave, Platon, lui dit le petit Chaperon rouge. L'essentiel est que tu sois sain et sauf parmi nous. Tu es sous le choc. Ta mémoire reviendra avec le temps. N'y pensons plus !
Cependant, le Capitaine ne fut pas du même avis que Phyllis. Il trouvait l'amnésie partielle de Platon étrange. Sans souffler mots aux autres pour ne pas les inquiéter, il décida de surveiller étroitement l'agneau.
Sur ses entre faits, l'homme qui devait apporter son aide dans les réparations du navire, arriva sur le quai avec sa caisse à outils prêt à partir.
- Il faut que nous partions tout de suite, histoire de gagner du temps. Si votre navire peut être réparé sur place, nous le ferons. Dans le cas contraire, il faudrait le remorquer vers le chantier naval afin d'apporter les réparations nécessaires.
- Eh, bien ! Nous sommes prêts, répondit le Capitaine.
Ils montèrent tous dans le canot, les hommes de l'équipage aux rames, le Capitaine à la barre et s'éloignèrent vers le large là où le vaisseau du Hollandais volant avait échoué sur un banc de sable.
Commentaires
Bah évidemment! Platon aurait pas pu se souvenir, je le savais!
moi qui imite une certaine file de ma classe nommée "x" (quand elle veut faire croire qu'elle connaissait la réponse : "Ah évidemment! j'lavais dit!" )