Une douce torpeur gagnait Phyllis que le balancement de la roulotte berçait. La matinée avançait, chaude, réconfortante. Le soleil jouait dans les feuillages au rythme cadancé des pas des chevaux. La petite fille ferma les yeux et ne tarda pas à s'endormir. Elle se trouva dans son ancienne chambre, dans la maison de sa maison et il lui sembla entendre sa maman fredonner. Elle sourit dans son sommeil et se tourna sur le côté. La porte de sa chambre s'ouvrit et sa maman parut sur le seuil.
- Phyllis ! Il est l'heure de se réveiller. Tu ne dois pas être en retard pour l'école.
Dans un sursaut, le petit Chaperon rouge se réveilla. Se redressant, elle regarda autour d'elle quelque peu déçue. Non, elle n'était pas à la maison mais dans une roulotte de forains en route pour la Capitale.
" La Capitale ? Mais de quelle capitale s'agit-il ?" pensa-t-elle en regréttant de ne pas avoir été plus attentive durant ses cours de géographie.
- Capitaine, dans quel pays nous sommes ? Et quel est le nom de la Capitale où l'on va ?
Tous les regards se tournèrent vers le Capitaine. Il avait longtemps voyagé. C'était un excellent marin et un bon navigateur. Il maîtrisait très bien la géographie de la planète. Ils attendirent qu'il se décidât à parler.
- Eh bien, au moment de notre naufrage, notre position était la latitude 47-58 N et longitude 004- 10W.
- Ce qui veut dire ?
- Cela signifie que nous sommes en Cornouaille.
- En Cornouaille !? s'écria épouvanté le Pêcheur. Quelle Cornouaille ?
Un silence interrogatuer s'ensuivit. Puis le Capitaine précisa d'une voix inexpressive.
- Au royaume du roi Cradlon.
- Vous voulez dire...
Le Capitaine hocha affirmativement la tête.
- Ker Is.
Phyllis et Océane ne comprirent pas tout de suite ce qu'impliquait cette réponse. Ni l'une ni l'autre n'avaient entendu parler de Ker Is. Mais le Pêcheur continuait à fixer le Capitaine avec une expression de peur sur son visage et le Cracheur de feu était visiblement bouleversé lui aussi.
- Qu'est-ce Ker Is ? insista le petit Chaperon rouge.
- Il s'agit de la ville d'Ys qui fut jadis une ville marine légendaire. La fille du roi, Dahut, était fascinée par la mer, dit-on. Elle demanda à son père de bâtir pour elle une ville d'une beauté inégalée. Le roi Gradlon pour satisfaire sa fille, construisit une cité d'une splendeur inégalée. Cependant, la ville sombra dans la luxure et la débauche. Le diable trompa Dahut et vola la clef des portes qui protégeait la ville de la marée et livra la ville aux flots de l'océan déchaîné. Ainsi, périt Ys, engloutie par les eaux, conclut le Capitaine.
- Mais alors, si la ville d'Ys a péri, comment se fait-il que nous y allons ? fit naïvement Océane.
- C'est ce que nous devons découvrir, soupira le Capitaine. Dans quelques heures nous chercherons à le savoir.
La fête foraine attirait beaucoup de monde au village. On célebrait la fin de l'hiver et on profitait pour s'amuser. Des ballons multicolores, des guirlandes, des lampions accrochés un peu partout égayaient la place centrale. Les gens des environs affluaient pour participer aux diverses activités proposées par la municipalité et les forains. Les stands et les manèges ne désemplissaient pas, on croquait dans les pommes d'amour à belles dents, on engloutissait des gigantèsques barbes à papa, et autour du kiosque à musique le bal battait son plein. Des jolies dames habillées de longues robes virevoltaient en riant au rythme de la gigue, des messieurs dans leur costume du dimanche souriaient à leur partenaire et s'éforçaient de garder le tempo, les enfants sautillaient en cadence. Les tables autour de la piste accueillaient une foule bruyante et heureuse.
Nos personnages restèrent émerveillés devant ce spectacle grandiose. Le soleil brillait, l'herbe était verte et grasse, la nature, les arbres, les buissons, d'une variété de couleurs infinie. Le ciel n'affichait pas le moindre nuage, l'atmosphère était limpide. Après le bleu des océans, l'obscurité de la caverne, la vallée parut un enchantement aux voyageurs épuisés.
- C'est ainsi que les personnages que nous suivons depuis un moment déjà grâce à Phyllis le petit Chaperon rouge, arrivèrent en terre inconnue. Leur navire n'était plus en état de reprendre la mer et ils ne savaient pas comment ou quand ils allaient le réparer. Ils étaient fatigués du voyage après une tempête terrible ne se doutant pas que la Sirène hostile, cherchait toujours leur perte. Ils avaient suivi le petit garçon sans vraiment poser de questions et ils pensaient que si des difficultés venaient à surgir, ils pourraient faire face grâce à la solidarité et leur ingéniosité. Du moins, c'était de cette manière qu'ils avaient procédé jusqu'à ce jour. Mais l' histoire prend désormais un nouveau tournant, dit le vieux Bombyx aux enfants-vers du mûrier. C'est à l'instant où nous baissons la garde que l'ennemi choisit pour attaquer.