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littérature fantastique et merveilleuse

  • Le Petit Poucet (4)

    Les grands magasins sont source d'inspiration voire d'émerveillement  pour toute personne qui s'ennuie et ne sait pas quoi faire pour tuer le temps. Prenez par exemple un magasin de bricolage. Au départ, lorsque vous entrez, c'est juste pour jeter un coup d'oeil au cas où vous trouveriez quelque chose d'intéressant. Vous n'avez pas l'intention d'acheter un objet en particulier. Vous vous promenez entre les travées, vous regardez avec détachement les rayons et les articles qui y sont exposés, lorsque vous tombez sur le tournevis qu'il vous fallait la dernière fois où vous avez accroché un cadre. "Voilà ce qu'il m'aurait fallu !" dites-vous. "Pourquoi ne pas l'acheter au cas où ? En plus ce n'est pas très cher !" Plus loin, vous tombez sur une lampe à dynamo que vous convoitez depuis un moment: "Elle est en promo ! Chouette ! Une occasion, pour sûr !" Vous continuez votre chemin lorsque vous croisez le chemin d'un rayon consacré au jardinage. " Les pots à fleurs sont vraiment donnés ! D'ailleurs il est temps de rempoter mon cactus parce qu'il a beaucoup grossi  ce dernier temps. " Vous achetez la série des pots (vendus par trois car plus économiques ) en pensant qu'il peuvent toujours servir. Arrivés à la caisse, vous vous êtes affublés de plusieurs choses "indispensables, des occasions à ne pas manquer" que vous payez sans sourciller en étant persuadés que vous avez fait une bonne affaire. Plus tard, le tournevis se cassera net en deux au moment même où vous l'attendez le moins et vous aurez beau contempler dépités le manche il ne vous sera d'aucune utilité ; La lampe à dynamo ne marchera que deux trois fois parce que la manivelle s'est détachée et elle est irréparable, quant aux pots à fleurs il ne vous servirons pas de suite puisque votre cactus est crevé parce que vous l'avez trop arrosé.

    Bref, le monde merveilleux des magasins d'outillages -bricolage peut très vite se transformer en cauchemar. Mais le moment d'y entrer vous ne réfléchissez pas aux inconvénients mais plutôt aux avantages d'une telle démarche.

    Les fils du (pauvre) bûcheron ne pensaient pas à tout ça en franchissant la porte d'un grand magasin d'outillage bien connu portant dans son emballage d'origine la tronçonneuse neuve cassée made-in-China de leur père.

    " Je regrette, je ne peux pas vous la reprendre. Elle a déjà servi." annonça le vendreur à l'accueil du magasin.

    " C'est normal ! Notre père l'a acheté pour s'en servir. "

    " Nous ne reprenons les articles que s'ils n'ont pas servi. Comment savoir si ce n'est pas votre père qu'il l'a cassée ?"

    " Notre père s'est servi de cette tronçonneuse une seule fois ! Elle est tombée en panne dès le début ! Ça doit être un vice de fabrication."

    "Peut-être bien, mais je ne peux pas la reprendre. Si vous voulez on peut l'envoyer dans nos ateliers pour la faire voir par le spécialiste. Mais il faudra la laisser au moins quinze jours. "

    "Quinze jours ! Mais papa en a besoin tout de suite ! Vous ne pouvez pas faire quelque chose ? C'est urgent tout de même."

    "Laissez-moi téléphoner à l'atelier et je vais voir si c'est possible de trouver une solution."

    Le vendeur à l'accueil disparut derriere son comptoir laissant les trois frères à attendre en compagnie de la tronçonneuse neuve cassée.Vingt minutes plus tard il revint.

    "Écoutez, normalement il faut attendre trois semaine, uin mois pour les services. Je me suis arrangé pour que vous puissiez récupererla tronçonneuse dans dix jours."

    "C'est beaucoup trop ! Vous ne pouvez pas faire plus vite ?"

    " Déjà je vous fait une faveur. Et puis, passez me voir à la fin de la semaine. Je verrais ce que je peux faire. "

    "Et en attendant ? Est-il possible d'avoir une tronçonneuse de remplacement ?"

    "Vous avez l'extension de garantie ?"

    "Quelle extension de garantie ?"

    "Faites voir le papier. Hum... C'est bien ce que je craignais. Vous avez la garantie de base. Si votre père avait pris l'extension, là on aurait pu vous prêter une tronçonneuse de rechange. Je suis vraiment désolé. "

    "Mais..."

    "Je vous le dis: je suis désolé. Mais repassez me voir à la fin de la semaine."

    Sur ces paroles, le vendeur à l'accueil récupéra le carton contenant la tronçonneuse made-in-China et s'éclipsa laissant là les trois fils du (pauvre) bûcheron.


  • Cendrillon et les talons aiguille (7)

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    Cendrillon ne se doutait pas des projets malveillants  de son Avatar.

    Pour le moment, les pieds plongés  dans une bassine d'eau salée préparée par les soins de Giselle, elle discutait avec son amie. Elle lui racontait les répétitions du matin, ses difficultés, ses faux pas, les humiliations du Maître de la danse, les moqueries de ses camarades et leur dédain. Les larmes traçaient des sillons disgracieux sur les joues de la jeune fille et son rimmel coulait abondamment, formant des cernes noirs autour de ses paupières. En la voyant on aurait eu du mal à reconnaitre en cette fille échevelée et abattue la splendide épouse du Prince.  La grâce et la délicatesse avaient disparus. Cendrillon renifla, accepta le mouchoir en papier que la main secourable de Giselle lui offrait et se moucha bruyamment. Contrariée de sa faiblesse momentanée,  Cendrillon répéta encore une fois la même chose.

    «  J'ai bien entendu, Giselle ! Il disait que je n'étais qu'une empotée ! Moi, qui avais la réputation d'être une excellente danseuse au Palais, voire la meilleure parmi les courtisanes !

    -          Allons ! Ne vous mettez pas dans tous vos états, lui conseilla Giselle. Ce qu'il vous faut ce sont quelques cours de danse, histoire de prendre confiance en vous et être fin prête pour la générale du spectacle. Vous avez suffisamment de talent pour y arriver.

    -          Vous le pensez vraiment ? demanda pleine d'espoir Cendrillon.

    -          J'en suis convaincue. Seulement, il faudra travailler plus durement. Un effort supplémentaire s'impose, sinon ils prendront quelqu'un d'autres à votre place et vous vous retrouverez au chômage.

    -          Mais comment faire ?

    -          Laissez-moi m'occuper de cela. Il suffit de passer deux-trois coups de fil. Pendant ce temps, débarbouillez votre visage. Je reviens dans un instant. »

    Giselle disparut dans sa chambre.

    Cendrillon se leva en soupirant, essuya ses pieds meurtris par des heures interminables d'exercices, alla s'enfermer dans la salle de bains. Elle se démaquilla soigneusement, se lava, se brossa les cheveux qu'elle attacha en une tresse, mit une confortable robe de chambre et alla s'installer devant la télé en attendant que Giselle termine ce qu'elle avait à faire. Cette dernière, le téléphone dans une main, une friandise dans l'autre, appela des vieilles connaissances et quelques amies qui étaient encore dans le circuit. Elle expliqua, discuta, parlementa, négocia, déploya des trésors de patience et, enfin, triomphante raccrocha le téléphone et alla trouver sa protégée qui se morfondait devant sa série préférée « Malcolm ».

    « Tout est réglé ! Mon ami Isa, vous prend en charge dès demain soir. Au programme, petite remise en forme, endurance, leçons de danse. Et maintenant, au lit, si vous voulez être en forme. »

     

    ***

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (4)

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    Sa valise à la main, Cendrillon se sentit perdue.

    Le sortilège de sa marraine l'avait expédiée devant une immense gare, dans un univers chaotique où tout était nouveau pour elle et où tout lui sembla hostile. Dès le premier abord, une odeur atroce la fit suffoquer. Elle toussa et  plissa son joli nez. Des larmes lui montèrent aux yeux et il lui fallut un temps pour respirer à nouveau normalement. Comment les gens qui vivaient ici pouvaient supporter cette puanteur ? Ce n'était pas tout ! Des bruits atroces jaillissaient de toutes parts ! Des carrosses tirés par aucun cheval mugissaient, crissaient, klaxonnaient. Des cris insupportables, des sons stridents, des exhortations diverses se mêlaient dans une cacophonie indescriptible. Ses oreilles en furent offensées. Des passants se pressaient, la frôlant presque. Ils  allaient, venaient, s'arrêtaient, repartaient, gesticulaient. Bref, une agitation extrême entourait notre héroïne.

    Une peur panique étreignit la jeune fille. Son cœur sombra au fond de sa poitrine.  Soudaine, la solution de la Fée-marraine lui parut absurde et ridicule. Elle-même se sentit ridicule. Quelle idée vraiment, de quitter son Prince, le palais, son bien-être pour se lancer dans un monde inconnu ! Découragée, elle regretta son empressement. Il aurait mieux valu qu'elle restât là où elle était, chez elle ! Désormais, il était impossible de revenir en arrière. Restait à souhaiter que le délai du sortilège passe le plus vite possible pour la ramener dans son monde.  Rassérénée quelque peu à cette réflexion,  Cendrillon fit deux-trois pas en avant. Elle hésita. Que faire ? Où aller ? Elle ne connaissait ni l'endroit ni personne.

    « Tout de même, pensa-t-elle.  Je ne peux pas rester plantée ici ! Je dois faire quelque chose ! Commençons par trouver un endroit où loger, puis, j'aviserai. »

    Serrant la poignée de sa valise, Cendrillon s'avança courageusement vers la première personne qui lui sembla digne de confiance, une dame d'un certain âge assise avec son chien sur un banc.

    « Excusez-moi, Madame, dit-elle d'une voix tremblante. Je suis étrangère ici, je ne connais personne et je voudrais trouver un endroit où loger provisoirement. Pourriez-vous m'aider ? »

    La dame examina son interlocutrice suspicieusement. D'où débarquait-elle ? Ses vêtements bien que correctes étaient affreusement démodés. Ses chaussures portaient des boucles brillantes ridicules et sa valise paraissait d'un autre siècle.

    « Je cherche un endroit où loger. Pourriez-vous m'aider ? » répéta plus fort Cendrillon croyant que la dame ne l'avait pas entendu.

    « J'ai compris, répondit la vieille femme. D'où sortez-vous accoutrée de la sorte ? On dirait que vous allez à un carnaval ! »

    - Pas du tout ! Dans mon pays tout le monde s'habille ainsi.

    -Ah ! Alors vous devez être de très loin, dépondit la vieille femme en examinant encore les vêtements de Cendrillon. J'aurais parié que vous vous êtes déguisée. Vous feriez mieux de changer de style si vous ne voulez pas avoir des ennuis.

    -Vous croyez ?

    -J'en suis sure ! N'avez-vous rien d'autre à vous mettre ?

    Cendrillon observa les habits de la dame, puis regarda les passants. Parmi eux des femmes. Elles portaient des jupes courtes qui laissaient voir leurs jambes sans une once de gêne. D'autres portaient des vêtements masculins mais personne ne paraissait s'en formaliser. Leurs chaussures avaient des formes et des couleurs variées. Elles avaient les cheveux coiffés librement, portaient des sacs et des bijoux et semblaient pressées et affairées. Cendrillon posa se valise, s'assit près de la dame et regarda ses propres habits.

    « C'est que... je suis partie précipitamment, murmura-t-elle accablée. Je ne m'attendais pas à ça ! Je me sens complètement perdue. Je viens d'arriver dans cette ville. Je n'ai pas où aller. Je n'ai personne vers qui me tourner. Pas moyen de rentrer chez moi avant un certain temps. »

    Devant son innocence, son air désemparé la dame eut pitié de Cendrillon.

    « Ecoutez, je ne vous connais pas, mais vous m'avez l'air d'une brave fille. Je vous propose de m'accompagner chez moi. Vous me raconterez votre histoire devant une tasse d'un bon chocolat. Je pourrais peut-être vous aider. Qu'en dites-vous ? »

    N'ayant pas d'autre solution, Cendrillon accepta avec gratitude. Elle suivit donc la dame chez elle dans un petit appartement non loin de la gare. Assise dans le minuscule salon de la vieille dame, sa tasse de chocolat dans une main et un beignet dans l'autre, Cendrillon raconta tout à sa bienfaitrice qui insista pour que Cendrillon l'appelât  par son prénom. Après l'avoir écouté attentivement, Giselle -c'était le prénom de la vieille femme- dit à Cendrillon.

    « Ton histoire est invraisemblable mais je te crois. Je vais bien t'aider. En attendant que le sortilège se termine, tu peux rester ici. Ce sera amusant ! Tu agiras à ta guise jusqu'à ce que tu rentre chez toi. Ne raconte à personne qui tu es vraiment et ce que tu fais ici ; les gens  te prendraient pour une folle et t'enfermeraient dans un asile ! Avant tout, il faudra te trouver un autre nom et une histoire qui te ferra passer pour quelqu'un de normal. »

    Cendrillon acquiesça. Elle faisait confiance à sa nouvelle amie.  Ainsi, elle accepta que Giselle l'aidât. Elle s'appellerait désormais Cendrine Grosjean et serait la petite fille de Giselle.

     

  • Terra Incognita (1)

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    Je m’appelle Milan Strabievitch et ce qui suit est mon aventure. Je me trouve seul sur une autoroute quelque part entre la ville de Bordeaux et les landes, ma femme et mes enfants m'ayant quitté après une dispute homérique. Du moins, je le suppose car je n’ai aucune certitude sur l’endroit exact où je suis. Je roulais sur cette route lorsque les événements que je m’efforcerais de raconter ce sont produits. Devant moi, à perte de vue le chemin qui mène à Biarritz et les plages océanes. Le bitume se déploie à l’infini sous une lumière blanchâtre et aveuglante dans un cadre sordide et désolé.

    Alors que je trace fébrilement ces quelques lignes sur un cahier d’écolier déniché dans les affaires de mon fils, je doute que quiconque puisse lire ces feuillets. Cependant, je dois continuer à écrire dans l’espoir de laisser une trace, comme une empreinte  de mon histoire à ceux qui pourraient venir à mon secours. Les heures s'écoulent lentement et écrire m'aiderait à supporter cette attente.

    Car, j’ai attendu en vain que quelque chose se produise, que ma femme et les enfants reviennent où que leurs voix me tirent du cauchemar où je suis plongé depuis bientôt deux jours. Lorsqu'elle s'est fâchée, je n'ai pas pris au sérieux ses menaces. Elle se met souvent en colère pour pas grand chose. Mais il m'a fallu admettre que cette fois il ne s'agissait pas d'une dispute habituelle. Je l'ai vu descendre de la voiture et s'éloigner tête haute, en tenant dans chaque main celles de nos enfants et disparaître dans la poussière grise de la route. Mais commençons par le commencement.