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  • Terra Incognita (4)

    autoroute 3.jpg Etrange. Où sont donc passées les autres voitures ? La dispute entre Faustine et moi m'a absorbé tellement que je n'ai plus fait attention à ce qui se passait autour de moi. Pour une fin de semaine prolongée, la route est particulièrement calme.

    J'ouvre la fenêtre et je ferme la climatisation. L'air de la campagne porte les parfums du Printemps.

    Je branche la radio pour écouter les infos trafic. Des grésillements désagréables se font entendre et j'ai beau parcourir la bande, je ne capte rien. Dépité, j'éteins la radio. Peu importe ce que les journalistes disent. Ils se trompent une fois sur deux. D'ailleurs, nous ne tarderons pas à arriver à l'échangeur. Nous devons être proches.

    Je regarde ma montre. Elle affiche onze heures passées. Curieux. Je ne m'étais pas rendu compte d'avoir roulé si longtemps. Bientôt les enfants vont avoir faim. Moi aussi. Il faudra qu'on s'arrête pour manger quelque chose. Je touche le bras de Faustine qui sursaute.

    - Que se passe-t-il ? dit-elle en émergeant de sa torpeur.

    -  Je me demandais si nous nous arrêtions pour manger quelque chose.

    - Peut-être. Quelle heure est-il ?

    - Il sera bientôt midi.

    - Déjà ! Je me suis endormie sans m'en rendre compte. Je n'ai pas vu le temps passé, se justifie-t-elle. Arrêtons-nous à la prochaine station. Tu dois être fatigué. Si tu veux, je prendrai le volant sur la dernière portion de la route.

    J'acquiesce et je mets un CD dans le lecteur. la musique semble s'accorder parfaitement à la nature environnante qui me semble superbe. Nous roulons à vitesse constante et je guette les panneaux de signalisation. Si tout va bien, nous serons à destination peu avant deux heures. Le temps de sortir nos bagages et nous irons nous baigner. La mer est un peu froide à cette époque de l'année mais, le premier frisson passé, l'eau devient agréable.

    Quelques temps après, alors que je ne vois pas encore l'aire de repos, Faustine me jette des coups d'oeil inquiets.

    - Tu es sûr de ne pas avoir raté la sortie ? me demande Faustine. Il me semble que nous aurions du trouver la sortie depuis un moment.

    - Non ! Je te garantis que je l'aurais vu, si nous l'avions dépassé.

    - Pourtant, ça fait plus de vingt kilomètres.

    - Je ne pense pas ! Ca ne va pas tarder.

    Nous nous taisons. Les enfants commencent à s'agiter à l'arrière.

    - Papa, j'ai faim, se plaint Victoire. En plus j'ai envie d'aller aux toilettes !

    - Moi aussi ! renchérit mon fils Octave. Maman, quand est-ce qu'on s'arrête ?

    - Taisez-vous les enfants ! Bientôt. Restez sages.

    - Mais j'ai très envie, maman ! insiste Victoire.

    - Dans quelques minutes, les enfants ! Patience.

    Je roule encore. J'évalue la distance qui nous sépare de la prochaine aire de repos à une dizaine de kilomètres.

    - Tu as peut-être raison, Faustine. J'ai du raté la dernière aire de repos. Il faut attendre la prochaine. D'ici dix minutes les enfants.

    Faustine me sourit tendrement. Je regarde le kilométrage de la voiture. Je roule encore. Dix minutes s'écoulent. Puis quinze. Les minutes s'allongent. Les kilomètres aussi.

    - Papa ! J'ai envie d'aller aux toilettes, répète Victoire. Quand est-ce qu'on s'arrête ?

    Je ne réponds pas. Tout à coup, la chaleur se fait plus intense. Je branche la climatisation et je remonte la vitre. Soudain, la musique sirupeuse que les haut-parleurs diffusent me tape sur les nerfs. J'arrête le CD et cherche une station radio. A nouveau des grésillements désagréables et aucune émission. Excédé, j'éteins. Maintenant que j'y songe, je n'ai pas pu rater la sortie. Comment serait-ce possible ? Nous avons parcouru bien plus que  vingt kilomètres. Environ cinquante ! Sans un mot, je mets le clignotant et je me gare doucement sur la bande d'arrêt d'urgence.

    - Milan, tu es fou ? Tu ne vas pas t'arrêter en plein milieu de la route !

    - Ce n'est pas le plein milieu de la route, je te signale. Quelques instants seulement. Passe derrière la glissière de sécurité avec les enfants pour qu'ils se soulagent. Je vais consulter la carte.

    - La carte ? s'étonne Faustine. Pourquoi faire. A quoi ça sert d'avoir un GPS si c'est pour consulter la carte !

    - Je t'en prie Faustine, fais ce que je te dis et ne discute pas !

    Contrariée, elle obéit et conduit les enfants derrière la glissière dans les champs et ils disparaissent tout les trois de ma vue.

    Resté seul, je sors une carte routière qui a beaucoup servi et la consulte fébrilement. Je refais l'itinéraire dans ma tête. Je cherche à quel endroit je me suis trompé.Rien à signaler. Sortis de Paris, je me suis engagé sur la bonne route. A la station essence, j'ai pris la bonne direction. Si je calcule le nombre de kilomètres parcourus depuis,  nous aurions dû trouver notre sortie depuis une bonne heure déjà !

     

  • Terra Incognita (3 bis)

    autoroute 3.jpgAh,  les vacances  ! Ils vous feraient oublier tout de ses responsabilités. Alors que le ruban de l'asphalte se déroule dans un monde multicolore et plein de promesses, je me mets à rêver de journées interminables, de la mer, de la chaleur et je me sens bien, heureux alors que le stress me quitte petit à petit. Voilà que je m'oublie et sors une cigarette de mon paquet neuf et j'en allume une.

    " Milan ! Tu ne vas pas encore fumer ? "

    La voix impérieuse de ma femme me parvient à travers les volutes bleues, amortie.

    " Ce n'est qu'une petite, Faustine ! Après tout, je suis en vacances. Tu ne vas pas me mettre la pression !

    - Je ne te mets aucune de pression. Mais tu nous fais subir aux enfants et à moi. Tu sais combien c'est nocif...

    Je n'écoute plus. Le discours est toujours le même ; celui des non fumeurs envers les fumeurs.

    " Bonté divine ! Toute cette radioactivité dans l'atmosphère, la pollution qui nous entoure, les produits chimiques qu'on utilise à profusion pour rendre le quotidien plus agréable te laissent de marbre et tu fais tout un plat de la fumée d'une malheureuse cigarette  ! ?

    - Ça n'a rien à voir ! proteste-t-elle. La cigarette c'est quelque chose que l'on maîtrise, qu'on peut y remédier, alors que la pollution...

    - Ha ! Laisse-moi rire ! Te voilà partie dans des grands discours sociaux-politiques !

    - Absolument pas ! Je n'ai pas envie de choper un cancer parce que je subis la fumée de ta cigarette.

    Je vois qu'elle se vexe à son maintien qui se raidit, à son visage qui se ferme, son regard qui fixe la route au loin. Je deviens conciliant.

    - D'accord, le tabac est nocif et provoque des cancers. Mais tu ne vois pas que c'est le discours de la politique qui se donne bonne conscience ? Dans un monde aussi pollué et aussi pourri que le nôtre nous ne craignons pas tant quelques malheureuses bouffées.

    - C'est pour ton bien que je le dis, insiste Faustine. Fais -le pour les enfants et moi, si ce n'est pour toi ! Je n'ai pas envie de devenir veuve avant l'âge !

    Je ris à cette conclusion mélodramatique.

    - Je n'ai pas l'intention de mourir, rassure-toi ! Je vais profiter des vacances avant toutes choses.

    Elle ne répond pas mais je vois qu'elle est mécontente. Elle serait capable de bouder durant tout le week-end si l'envie lui prenait. Je tente de l'amadouer.

    " Tu as raison, ma chérie. Je vais profiter de ces vacances pour essayer d'arrêter de fumer.

    - Non pas essayer ! Arrêter ! Ce sera une preuve d'amour pour nous !

    - Promis, Faustine. Mais attends qu'on arrive d'abord.  On ne devrait pas être loin de la sortie d'ailleurs.

    En effet, depuis que nous avons quitté la station essence, nous avons bien roulé. Le trafic était fluide.  Je me concentre sur ma conduite et nous progressons quelques dizaines de kilomètres en silence. Les enfants se sont réveillés et jouent avec leur console vidéo tranquillement à l'arrière. Faustine s'accoude à la portière et s'assoupit légèrement. Finis, les leçons de morale, les disputes et les cigarettes. Je souris.

    " Je dois faire un effort, pensé-je. Arrêtons de fumer s'il n'y a que ça pour avoir la paix et la sérénité. "

    Je profite de ce calme et je me promets de tenir parole. Et si je commençais tout de suite ? Il suffit de jeter mon paquet de cigarettes histoire de ne pas avoir la tentation sous les yeux. Mes pensées vagabondent.

    "Imagine que j'ouvre la vitre et balance le paquet par la fenêtre de la voiture ; un automobiliste surprit par mon geste fait une incartade sur la route ; un camion qui est en train de le doubler  n'as pas le temps de réagir et ils se rentrent dedans. Crissements de pneus, tôles froissées, trois morts !  La police cherche les responsabilités des uns et des autres. Il n'y a pas que le cancer qui tue. Voilà que ma dispute  anodine avec Faustine sur la cigarette finit par causer des graves dégâts ! " Sur cette dernière pensée, je regarde dans le rétroviseur pour apercevoir "ma victime " potentielle.

    Pour un trafic fluide, il l'est vraiment ! Pas l'ombre d'une voiture. Ni même d'un pare-choc !