Les tentacules de la nuit enveloppaient l'horizon. Une mer d'encre battait les flancs du navire en cadence. A bord, rassemblés autour du Capitaine, nos personnages se concertaient sur la marche à suivre.
- Il faudrait que nous accostions quelque part assez rapidement, suggéra Phyllis le petit Chaperon rouge ; pendant que l'équipage se charge du navire, nous autres pourrions profiter pour descendre à terre nous promener.
- Ça me plairait de gambader dans un pré, ajouta Platon l'agneau. Cela fait des semaines que nous naviguons et j'ai toujours le mal de mer.
- Nous ferions des provisions des comprimés contre la nausée, et peut-être que nous pourrions acheter quelques nouveaux livres. Je posterai une lettre à ma maman lui racontant nos aventures.
- Pas si vite ! Je ne sais pas s'il possible d'aborder dans un port de sitôt, dit le Capitaine.
Etonnés, nos amis demandèrent des explications, que leur hôte ne put leur fournir. En effet, le Capitaine redoutait le moment où il devrait avouer à ses passagers que son navire ne pouvait toucher terre qu'après de nombreuses années d'érrance. Comment pouvait-il expliquer qui il était ? Comment auraient réagi le Cracheur de feu, Océane ou Phyllis en apprenant qu'il était celui qu'on surnommait le Hollandais volant, Capitaine maudit d'un vaisseau fantôme ? Il alla s'enfermer dans sa cabine et se mit à feuilleter ses carnets de bord, carnets accumulés depuis des dizaines d'années. Il avait consigné là tous les événements notables vécus durant ses périples. Autant dire, pas grand-chose.
Au début, lorsque son équipage avait mentionné la malédiction, il leur avait ri au nez ! C'étaient des superstitions de marins, sans fondement. Quand ils percistèrent, le Capitaine se mit en colère. Mais les journées s'écoulèrent sans que le navire approche d'une côtes quelconque. Durant des semaines ils voguèrent parmi ciel et eaux. Lorsqu'une terre apparaissait à l'horizon, un vent du large se mettait à souffler et quoi qu'ils fissent, le littoral restait hors de portée. Les marins se mutinèrent, certains tentèrent de regagner la côte à la nage. En vain ! Le courant les ramenait vite vers le bateau. Puis, chacun accepta les faits, Ils se plièrent aux forces qui les dominaient. Le déstin qui les unissait fut le fardeau commun du Capitaine et de son équipage. Le navire avait touché terre à plusieurs reprises depuis le début de la malédiction. Le Capitaine avait cherché durant ces courts laps de répis à terre des solutions au problème, il chercha des personnes suscéptibles de l'aider lui et ses hommes. Jusqu'au jour où dans ce port des mers du sud, il rencontra Phyllis, Platon et Cracheur de feu.
Le Capitaine ne saurait dire pourquoi il avait écouté leur conversation et ce qui l'avait poussé à leur proposer d'embarquer avec lui. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que cela devint possible ! D'ailleurs, il y avait sur le bâtiment comme un souffle nouveau, une atmosphère étange, plus légère, plus agréable. Les hommes de l'équipage travaillaient avec plus d'ardeur ; ils étaient moins sombres, il leur arrivait même de plaisanter entre eux. Oui, quelque chose avait changé depuis que ces passagers étaient montés à bord. Il y a eu la disparition de Platon, bien sûr, et la découverte de la petite fille Océane, puis la rescousse du Pêcheur. Mais exépté les sabotages subis par le Vaisseau, un changement indéniable avait eu lieu.
- Tout espoir n'est pas perdu ! s'écria le Capitaine en se levant. Nous ferons cap vers le premier port ! Dès le lever du jour, nous saurons si la déstiné est en marche. En route !
Sans plus attendre, il monta à la barre, donna ses instructions, et resta à contempler le ciel au delà le cap de Bonne Espérance.