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  • Flute ! J'ai manqué un épisode...

    II

     

    - Dépêche-toi Laêticia !  On va être en retard !

    C'est ma copine Christiane et aujourd'hui, elle est de mauvaise humeur. C'est toujours le cas quand elle a ses jours ou quelque chose cloche, sinon elle m'aurait appelée Laët  comme d'hab ( Prière de prononcer le t afin d'éviter quelques sous-entendus déplacés).

    Oh la la ! Je suis à la bourre ! (Je vois d'ici quelques sourires venant d'esprits tordus et mal-versés. J'ai dit :  à la bourre et non à labour ! )

    Chris et moi, on fait du covoiturage pour préserver la planète et laisser un bel héritage à nos enfants (à nous deux nous en avons six). On passe prendre notre copine Joss et nous arrivons au boulot ensemble toutes les trois. Comme ça c'est plus marrant en plus de faire des économies. Mais aujourd'hui, Chris n'est pas dans son assiette et je dois accélérer le mouvement.

    Je claque la porte rapidement, je tourne la clef vite, je descends les quelques marches du perron précipitamment, j'en rate une, je me tords la cheville, je tombe, mon sac imitation Vuitton acheté au marché -oui, comme celui d' Isabelle Adjani dans la pub- m'échappe des mains, le contenu s'éparpille et décide de jouer à cache-cache  à cette heure matinale et indue, en roulant exprès sous la voiture là où je ne peux pas l'attraper ce qui oblige des manœuvres à n'en plus finir,  Chris qui piaffe sort  pour m'aider, je me relève péniblement, je défroisse mes frusques  triomphante,  pour constater que mon talon s'est cassé, le traître ! Va falloir changer de godasses au plus vite, récupérer  Joss au vol car nous sommes vraiment en retard, là !  Les collègues nous regardent de haut d'un air entendu, nous les ignorons magistralement  d' un regard méprisant qui en dit long, avant de nous glisser à nos postes.

    Tout compte fait, je ne sais pas pourquoi, mais soudain, j'ai comme une envie d'étrangler Chris ce matin.  Dire que ces chaussures m'ont coûté une petite fortune  en soldes !

  • D'où je tombe du haut de mes talons plats !

    Episode Premier

    Fichtre ! Nous sommes au XXIème siècle. La femme, malgré quelques couacs médiatico-politico-socio-législatifs, n'a plus rien à prouver de sa valeur. Désormais, rassurée de l'estime et du soutien de ses confrères, acceptée dans tous les cercles qui restaient fermés jusqu'à l'aube du siècle, la femme peut enfin profiter d'un repos mérité. Lasse d'être sur tous les fronts à la fois, elle peut quitter son maquillage, ses vêtements à la mode, ses chaussures cothurnes (les talons aiguilles donnent de l'allure et une démarche chaloupée très sexy, en plus de plaire aux hommes mais font sacrément mal aux pieds à la fin de la journée) et se vautrer dans son canapé, devant "Un dîner presque parfait" enveloppée dans son tee-shirt défraichi et son pantalon de pyjama taille L que son mari trouve un peu serré sur les hanches.

    Le milieu professionnel permet à une femme de s'épanouir socialement, financièrement, mais surtout  (avant tout, je devrais dire)  intellectuellement, et demain, avec les copines, à l'heure de la pause déjeuner, on entendra :

    - T'as vu hier! Quel culot cette Corrine ! Elle n'a pas arrêté de critiquer la cuisine de Valérie.

    - Mais le pire c'était sa façon de draguer Olivier ! Dès qu'il disait quelque chose, elle était d'accord avec lui. Elle a fini son assette mais dès que lui a dit qu'il n'aimait pas, elle aussi a commencé à critiquer comme quoi c'était un peu gras,  un peu épicé, un peu ceci, cela ! Elle draguait à fond, à fond, à fond ! T'as pas fait gaffe ? Observe la bien ce soir; tu verras que j'ai raison. Moi, on me fait ça, je lui dis ses quatre vérités.

     

     

  • Une Femme (Fin)

     

    La volonté d’Athéna se dresse comme un rempart face à l’homme et sa mère et les jeunes gens s’apprêtent à leur mariage. Pendant ce temps, la Mort se prépare. Elle sort de son antre. Elle observe, guette. Elle se laisse oublier, se tient prête et ricane. Au moment propice, elle frappe. Vite. Promptement. Bien. Personne n’est préparé, personne ne s’y attend. Athéna encore moins que les autres. C’est qu’elle avait commencé à songer à une vie normale, sans souffrances, sans animosité. Elle commençait à entrevoir un bel avenir pour son fils, pour sa bru, pour elle même… Le coup ne fut que plus rude, plus pervers. Par ce beau dimanche de Pâques, la lumière du printemps a perdu son éclat. La tombe du fils s’ouvre aux côtés de celle du père. Ce père qu’elle n’a pas pleuré parce que son cœur était noir de rancœur. Le doute s’installe dans son esprit. Et si …si c’est Dieu qui se venge ? Si c’est Dieu qui punit mon orgueil ? Athéna ne pleure plus. Son esprit chancelle à nouveau et elle perd ses repères. S’accrocher à quelque chose, ne pas se laisser emporter, ne pas céder, ne pas s’en plaindre, ne pas faillir, ne pas donner aux autres la satisfaction de la voir à terre et désemparée. Résister, résister. Survivre, surmonter l’infirmité, passer outre, vaincre le chagrin, la solitude, la tristesse, l’abîme… Dans l’obscurité, elle croit voir la Mort qui rode, elle croit entendre son rire caverneux. Une lutte acharnée s’engage entre elles. Tu ne m’auras pas, tu ne m’auras pas. Je ne me laisserai pas faire, je ne te laisserai pas m’abattre, je survivrai, je résisterai. Je reconstruirai ce que tu m’as ôté. La fiancée de mon fils deviendra ma fille, je l’adopterai, je ferai d’elle mon héritière, je l’accueille à la place de mon fils, je l’accepte comme chair de ma chair, sang de mon sang. J’aurai les petits enfants que tu me refuses, j’aurai une famille à moi, choisie par moi pour te résister, pour te vaincre. Mais dans cette lutte, la Mort est la plus rusée, la plus forte, la plus aguerrie. Et le vide n’est que plus grand autour d’Athéna. La Mort jubile. Les destins individuels deviennent des éléments disparates d’une réalité plus vaste, plus déchirante, plus tragique encore. La guerre, secondée de désastre, de misère et de souffrance arrive, étend ses ravages, emporte tout sur son passage. Athéna prend les routes de l’exil avec les autres personnes du village. Provisoirement au début. Puis, les larmes s’assèchent et on s’habitue au statut quo. La vie reprend ses droits et Athéna se mêle aux gens qui s’efforcent d’effacer toute trace de malheur, reconstruisent le pays, s’efforcent de recréer les cellules familiales éclatées et se perdent dans une prospérité illusoire. Dans cette fièvre, Athéna n’a pas le temps de penser, et la vieillesse la surprend, isolée, loin de sa terre natale, par delà la ligne de démarcation qui divise son pays et déchire son cœur en deux. Qu’est devenu son monde ? Qu’est devenue sa vie ? Où est la tombe du père ? Où est la tombe du fils ? Où les chercher ? Où les trouver ? Que reste-il du passé sinon les regrets et l’amertume ? Que reste-il du passé sinon ce corps incapable de soutenir désormais le feu qui brûle en elle ? Les spectres des souvenirs se désintègrent dans le silence. La Mort s’approche et découvre son visage. Plus la peine de se dissimuler. L’affrontement est imminent. Maintenant ! Regarde-moi, regarde ! Vois ! Ne me reconnais-tu pas ? Ne m’as-tu pas déjà vue ? Ne sommes-nous pas des vielles amies ? La dame allongée parmi les appareils de survie tressaille. Aucune force humaine, aucune médecine ne peut s’interposer entre elle et sa mort.

    Seule sur son lit d’hôpital, la vielle femme pleure. Elle fait face à la mort. Tu ne m’as rien laissé, ni dignité, ni amour, ni pays, ni patrie. Tu m’as tout pris, tout pris, mais ma volonté reste indemne malgré tes ruses, malgré tes mesquineries. Je lutterai jusqu’au bout, avec acharnement, avec détermination, et je ne laisserai pas tes griffes lacérer mon esprit. J’aimerai fort car tu as peur de l’amour, peur de la force qu’il donne, de sa puissance, de sa capacité à soulever les obstacles, à anéantir les misères, à aplanir les difficultés. Je ne te laisserai pas m’envahir, je me battrai, je vivrai jusqu’en été, j’aimerai cet enfant qui va venir comme s’il était le mien, comme si une puissance divine, plus forte que toi, m’avait donné une deuxième chance, comme si mon père ne m’avait jamais obligée à me marier contre ma volonté, comme si ma vie avait repris la veille de mes seize ans, comme si le temps s’était arrêté. Mais elle sait qu’il est déjà trop tard. La Mort s’avance et lui sourit. Face à face, elle fixe de son regard compatissant le corps immobile. Ne plus souffrir. Ne plus se tourmenter. Un dernier songe emplit l’espace de sa chambre. Est-il trop tard ? Trop tard pour aimer, pour comprendre, pour pardonner ?

    La petite fille a cessé ses pleurs. La vieille dame infirme aussi. La jeune mariée, la mère meurtrie, la veuve de même. Ses blessures, ouvertes, à vif, saignent toujours. Devant elle se tiennent les silhouettes fantomatiques du fils et du père. Mon père, pardonne-moi. Mon fils, pardonne-moi. Je n’ai pas su vous aimer. Je ne puis réparer. Je vous donne tout. Ce qui me reste et encore plus. Je vous en prie ! Ne partez pas ! Pas comme les autres. J’ai tant souffert ! J’ai tant espéré ! Ne partez pas… Mais les échos du passé s’estompent, s’évanouissent. Le livre émoussé de son existence est clos. Définitivement. Plus rien ne subsiste. Le néant l’enveloppe à nouveau.

    Seule sur son lit d’hôpital, isolée des autres, murée dans le cauchemar de ses souvenirs, la vieille dame ne pleure plus.

    La roideur gagne ses membres inertes. La pâleur blafarde de la mort estompe les contours de son visage sur la toile éphémère de sa vie humaine. Un frémissement agite ses paupières closes. Une larme égarée scintille entre les cils sous la lumière crue de sa chambre aseptisée. Un sourire s’esquisse sur les lèvres flétries. De sa bouche blême, entre-ouverte s’exhale le souffle d’un ultime soupir. Elle s’abandonne. La Mort l’enlace, l’emporte. Miséricordieuse.

     

     

    Requiescat In Pace.