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Les contes du Bombyx - Page 3

  • Cendrillon et les talons aiguilles (9)

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    La Reine-mère était quelque peu inquiète pour son fils. Son cœur de mère le lui disait : le Prince n'était plus le même ces derniers temps!

    Depuis quelques jours déjà, le Prince paraissait amaigri, pâle. Il avait l'air las et  rêveur. Un peu trop distrait au goût de la Reine-mère. Il ne mangeait pas assez. Il ne dormait pas suffisamment. Le pauvre garçon était accaparé constamment ! Il se fatiguait à satisfaire les exigences du protocole et de sa femme !

    Sa femme ! Parlons-en de celle-là ! Non pas que la Reine-mère lui reprochât quoi que ce fût, non !  Dieu l'en garde ! La Reine  n'était pas comme ça ! Elle ne faisait pas partie de ces belles mères abusives qui croient que la fin du monde arrive parce que leur enfant se marie ou que leur fils est mal tombé  dès qu'il parle de s'installer avec quelqu'un et voit des pièges partout.  Non ! La Reine-mère s'était préparée à l'idée que son fils allait un jour trouver une compagne et fonder une famille : c'est la loi de l'existence, n'est-ce pas ? D'ailleurs, elle avait incité son fils à chercher parmi leurs connaissances la jeune fille idéale pour devenir son épouse. Elle-même avait suggéré quelques noms, en vu d'une alliance réussie parce qu'elle se souciait de son bonheur.  Bon ! Ca ne s'était pas fait ; le Prince avait préféré choisir Cendrillon. Soit ! Il était assez grand pour décider à sa guise !  Il voulait Cendrillon, qu'il épousât donc Cendrillon ! Et puis,  loin d'elle l'idée de médire de sa belle fille ! Cendrillon était une fille bien ! Toujours souriante, toujours aimable, polie, bien élevée, jamais un mot plus haut que les autres... Avec cela, elle était jolie, peu bavarde, savait se conduire en toutes circonstances, chantait et dansait  si bien !  Elle s'était adapté rapidement à la vie au Palais, traitait le Roi et sa belle-mère respectueusement... Non, la Reine-mère ne lui reprochait rien. D'accord, sa condition sociale n'était pas identique à la leur ; mais les temps changeaient, on n'était plus au Moyen-âge et tant mieux. On pouvait désormais se marier avec une jeune fille plus pauvre que soit sans que cela soit un problème. Non, la Reine-mère acceptait les changements ; de son temps elle en avait même initié quelques uns. Le Prince pouvait épouser Cendrillon. D'ailleurs il l'avait bien fait et son choix convenait parfaitement à la Reine-mère et elle serait la dernière personne à en dire quoi que ce fût.

    Tout de même ! La Reine-mère hésitait. Tout serait merveilleux si on ne pouvait soulever quelques objections. Lesquelles ? Pour commencer, on ne lui enlèverait pas de la tête que quelque chose ne tournait pas rond dans cette affaire. Cendrillon était gentille, mais, tant de perfection était à la limite de la décence. « Trop c'est trop ! » se disait la mère du Prince. Ensuite, Cendrillon influençait visiblement le Prince. Positivement, cela s'entend. Cependant, lui, qui auparavant ne faisait qu'à sa tête,  ne prenait plus aucune décision sans consulter sa femme. Enfin, impuissante, elle ne pouvait que constater : son fils devenait absent, perdait du poids et si ça continuait, il tomberait malade ! Elle ne permettrait pas une chose pareille. En tant que mère du Prince, il fallait intervenir, aider son enfant. C'était son rôle de mère !

    La Reine-mère réfléchit longuement, et prit sa décision.  A partir de ce moment-là, elle espionnerait sa belle fille et le Prince afin de savoir de quoi il retournait.

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (8)

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    L'Avatar de Cendrillon était éveillé malgré l'heure tardive, échafaudant des projets pour prendre définitivement la place de Cendrillon au Palais. Il ne savait pas combien de temps le sortilège de la Fée-marraine pouvait encore tenir. Il fallait donc agir vite et avec beaucoup de discrétion. Il ferma la porte à clef, s'assura que tout le monde dormait et habillé de noir, se faufila par la porte du balcon dans les jardins, et de là, vers la ville basse. Il connaissait bien les lieux, ce qui lui permettait de se déplacer avec aisance sans éclairage. Il marcha longtemps et arriva enfin devant une masure appuyée sur les remparts de la ville. L'Avatar frappa trois coups et entra sans attendre de réponse. Une fois sa besogne exécutée, il regagna les jardins du Palais, grimpa sur le balcon de la chambre de Cendrillon. Rapidement, il se débarrassa de ses vêtements sombres et se glissa comme si de rien n'était dans le lit.

    Le lendemain matin, la fausse Cendrillon  prétexta une indisposition soudaine, s'enferma dans ses appartements et refusa de recevoir quiconque demandait audience. Elle interdit à ses suivantes de la déranger mais envoya un message au Prince qui s'empressa d'arriver, alarmé d'apprendre que son cher amour ne se sentait pas très bien.

    « Que vous arrive-t-il, cher ange ? Voulez-vous que j'envoie chercher le médecin du Palais ?

    -          Non, non ! Ne prenez pas cette peine, mon Prince. Ce n'est qu'une indisposition passagère qui ne tardera pas à se dissiper.

    -          Dites-moi ce qui vous ferait plaisir, et je me ferais un honneur de satisfaire vos désirs !

    -          Mon Prince, dit l'Avatar d'une voix qu'il fit douce et caressante. Cela fait bien longtemps que je désire aller rendre visite à ma vieille grand-mère qui habite près des remparts. Elle est vieille et malade et je ne sais combien de temps lui reste-t-il à vivre ! Elle me manque terriblement !

    -          Pourquoi ne le disiez-vous pas plutôt ? Est-ce cela qui cause votre indisposition ? J'envois mes gardes la chercher pour l'accompagner au Palais tout de suite.

    -          Non ! s'écria aussitôt la fausse Cendrillon. Inutile de déranger les gardes. Elle est trop vieille et elle risque de prendre peur avant qu'ils aient eu le temps de lui expliquer leur présence chez elle !

    -          Mais alors ?

    -          Je voudrais qu'aujourd'hui, vous m'accompagniez chez elle. Rien que vous et moi.

    -          Rien de plus facile. J'ordonnerais qu'on nous prépare le carrosse royal et ...

    -          Allons à pied ! S'empressa de demander Cendrillon-Avatar. Ne le dites à personne et partons ensemble chez ma grand-mère pendant l'heure de la sieste. Je ne veux pas que les gens au Palais sachent que je vais voir une pauvre parente dans les bas quartiers.

    -          Pourquoi donc ? C'est tout à votre honneur de vouloir prendre des nouvelles de votre parente ! Cela prouve combien vous êtes gentille, prévenante et combien vous vous souciez du bien-être de votre famille !

    -          Non, non ! Pensez à ce qu'on dira. Certaines personnes ne voient pas d'un bon œil notre mariage et ne demandent qu'à trouver des prétextes pour m'accuser de ne pas appartenir à votre monde. Elles ne manqueront pas de raconter que je néglige mes devoirs pour courir chez mes parents à la première occasion. Je ne puis souffrir que ma réputation soit ternie. Cela nous causerait un grand préjudice si on s'avise à dire que j'ai des préférences. Imaginez mon amour si votre mère l'apprenait ! Elle ne supporterait pas de se sentir évincée.

    -          Je ne vois pas en quoi ça la dérangerait.

    -          On ne sait jamais, mon Prince. Je préfère que cela reste notre secret à vous et moi. Cela me ferait tant plaisir ! »

    Afin de satisfaire sa femme qui le lui demandait comme une faveur, le Prince accepta d'accompagner la fausse Cendrillon dans les bas quartiers. Ainsi, à l'heure de la sieste, lorsque tout le monde se retira pour se reposer dans sa chambre, le Prince et celle qui croyait être sa femme, déguisés et méconnaissables sortir par une porte dérobée et se dirigèrent vers les quartiers pauvres. Arrivés devant la même porte que l'Avatar             avait poussée la veille, ils frappèrent. Une voix chevrotante et faible les invita à entrer et les deux époux, pénétrèrent dans une pièce au plafond bas, sombre et malodorante. Dans un coin, se tenait une très vieille femme, laide et dépenaillée qui se hissa sur son séant dès qu'elle les vit. Le Prince esquissa un mouvement de recul mais ne dit rien de peur d'offenser sa femme. La vieille femme leur fit un accueil chaleureux, les invita à s'asseoir et leur offrit à boire. A contre cœur, le Prince goûta à l'affect breuvage de la grand-mère et décida de faire semblant d'avaler. Mais Cendrillon le fixait avec un sourire et il s'obligea à l'avaler jusqu'à la dernière goutte. Les deux femmes se promirent de se revoir très bientôt et après des embrassades qui parurent interminables au Prince, ils reprirent le chemin du retour. Cendrillon était heureuse et n'arrêtait pas de répéter combien la visite chez sa grand-mère lui avait fait du bien, et combien elle était reconnaissante aux Prince d'avoir accepté de l'accompagner. Elle penchait tendrement sa tête sur l'épaule du Prince, lui caressait la main et ne cessait pas de soupirer d'aise. Pour ne pas la contrarier le Prince ne dit rien, et promis de recommencer l'expérience. Il quitta son épouse devant la porte de ses appartements et regagna les siens avant que les gens du Palais ne se rendent compte de son absence.

    L'Avatar jubilait. Son plan avait marché à merveille. En réalité, la vieille femme à qui ils avaient rendu visite n'était nullement sa grand-mère mais une puissante sorcière qui en contrepartie de ses services avait préparé un filtre pour ensorceler le Prince et le lier pour toujours à la fausse Cendrillon. De sorte que si la vraie Cendrillon venait à revenir à l'improviste, elle ne pourrait plus reprendre sa place et l'Avatar serait reine pour toujours.

     

  • Cendrillon et les talons aiguille (7)

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    Cendrillon ne se doutait pas des projets malveillants  de son Avatar.

    Pour le moment, les pieds plongés  dans une bassine d'eau salée préparée par les soins de Giselle, elle discutait avec son amie. Elle lui racontait les répétitions du matin, ses difficultés, ses faux pas, les humiliations du Maître de la danse, les moqueries de ses camarades et leur dédain. Les larmes traçaient des sillons disgracieux sur les joues de la jeune fille et son rimmel coulait abondamment, formant des cernes noirs autour de ses paupières. En la voyant on aurait eu du mal à reconnaitre en cette fille échevelée et abattue la splendide épouse du Prince.  La grâce et la délicatesse avaient disparus. Cendrillon renifla, accepta le mouchoir en papier que la main secourable de Giselle lui offrait et se moucha bruyamment. Contrariée de sa faiblesse momentanée,  Cendrillon répéta encore une fois la même chose.

    «  J'ai bien entendu, Giselle ! Il disait que je n'étais qu'une empotée ! Moi, qui avais la réputation d'être une excellente danseuse au Palais, voire la meilleure parmi les courtisanes !

    -          Allons ! Ne vous mettez pas dans tous vos états, lui conseilla Giselle. Ce qu'il vous faut ce sont quelques cours de danse, histoire de prendre confiance en vous et être fin prête pour la générale du spectacle. Vous avez suffisamment de talent pour y arriver.

    -          Vous le pensez vraiment ? demanda pleine d'espoir Cendrillon.

    -          J'en suis convaincue. Seulement, il faudra travailler plus durement. Un effort supplémentaire s'impose, sinon ils prendront quelqu'un d'autres à votre place et vous vous retrouverez au chômage.

    -          Mais comment faire ?

    -          Laissez-moi m'occuper de cela. Il suffit de passer deux-trois coups de fil. Pendant ce temps, débarbouillez votre visage. Je reviens dans un instant. »

    Giselle disparut dans sa chambre.

    Cendrillon se leva en soupirant, essuya ses pieds meurtris par des heures interminables d'exercices, alla s'enfermer dans la salle de bains. Elle se démaquilla soigneusement, se lava, se brossa les cheveux qu'elle attacha en une tresse, mit une confortable robe de chambre et alla s'installer devant la télé en attendant que Giselle termine ce qu'elle avait à faire. Cette dernière, le téléphone dans une main, une friandise dans l'autre, appela des vieilles connaissances et quelques amies qui étaient encore dans le circuit. Elle expliqua, discuta, parlementa, négocia, déploya des trésors de patience et, enfin, triomphante raccrocha le téléphone et alla trouver sa protégée qui se morfondait devant sa série préférée « Malcolm ».

    « Tout est réglé ! Mon ami Isa, vous prend en charge dès demain soir. Au programme, petite remise en forme, endurance, leçons de danse. Et maintenant, au lit, si vous voulez être en forme. »

     

    ***

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (6)

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    Juchée sur des talons d’une hauteur vertigineuse, Cendrillon s’efforçait  de suivre les indications du chorégraphe.

    « Qui m’a mis une cruche pareille, pensait avec amertume le Maître de danse. J’ai rarement vu une gourde pareille ! On ne sera jamais prêt pour l’ouverture du spectacle. S’il vous plaît mesdemoiselles ! déclara-t-il à haute voix. Reprenons à la troisième mesure, et tâchez de ne pas vous tromper ! Soyez dans le rythme, conclut-il en faisant signe au pianiste de reprendre. A mon signal ! »

    Il fit une pause, retourna s’asseoir face à la scène.

    "Prêtes, Mesdemoiselles ? Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, et cinq six, sept… STOP ! »

    Une rumeur se diffusa parmi les danseuses. Il s’avança  de quelques pas vers le groupe, sortit un énorme mouchoir de sa poche et s’épongea le front.

    « ARRETEZ TOUT ! Bonté divine quelle genre de danseuse vous êtes à le fin ? Lança-t-il à l’attention de Cendrillon. Vous ne pouvez pas faire attention ? Ce n’est pas compliqué ! Vous avancez de deux pas… poursuit le Maître en joignant le geste à la parole. Pirouette, on lève la jambe, et hop, on revient à la position de départ.  On recommence. Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit… Bien. Mesdames, c’est tout pour aujourd’hui. Je vous revois demain à sept heures précises. »

    Cendrillon suivit les autres danseuses dans les coulisses. Une fois dans la loge qu'elle partageait avec deux autres filles,  la jeune fille retira ses hauts talons avec  un soulagement manifeste. Elle prit le temps de masser ses orteils puis, elle glissa ses pieds meurtris dans une paire de charentaises que Giselle lui avait offertes. Elle avait des ampoules, ses pieds, ses jambes et ses orteils la faisaient souffrir atrocement.

    « Mes pieds sont si déformés, que je n’arriverais plus jamais à entrer dans mes jolies pantoufles de vair ! Soupira-t-elle. Si au moins, je pouvais rester me reposer à la maison demain ! » Elle savait pourtant, que cela était impossible, et que dès cinq heures du matin, Giselle l’attendrait avec une tasse de thé à la main pour l’accompagner à ses répétitions.


    ***

     

     

    Pendant que Cendrillon s'évertuait à tenir debout sur ses talons aiguilles, l'Avatar resté au palais à sa place, passait des journées heureuses et tranquilles. Elle avait tout ce dont elle avait besoin ; on prenait soin d’elle ; on faisait attention à ses moindres désirs ; et le Prince était parfaitement charmant. Une après midi où elle se promenait bras dessus-dessous avec l’héritier du trône, elle envisagea son existence avant d’arrivée au Palais. Ah ! Comme ce serait bien de rester toujours ici dans ce lieu superbe, entourée des gens de qualité ! Ne jamais se soucier des besognes bassement matérielles et vulgaires du quotidien ! Tout en hochant la tête à ce que lui murmurait le Prince à l’oreille, l’Avatar échafaudait ses plans.

    « Pourquoi je laisserai ma place à Cendrillon ? Elle n’apprécie pas plus que ça la vie au Palais ! Elle passait son temps à s’ennuyer et à se plaindre ! Je ne vois pas pourquoi elle aurait droit de profiter de tout alors que je suis cantonnée à faire les doublures ? Après tout, elle a choisi de partir ; personne ne l’a forcée. Elle était d’accord pour qu’on échange nos places. Il faut trouver un moyen pour qu’elle ne revienne plus… »