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Les contes du Bombyx - Page 5

  • Cendrillon et les talons aiguilles (1)

    images.jpg

    La chaleur atteignait son zénith et une agréable torpeur gagnait les habitants d'un  grand mûrier vert et feuillu où, depuis quelque temps, avait élu domicile un vieux, très vieux Bombyx. Midi venait de sonner et à cette heure de la journée tout paraissait silencieux et calme. Profitant de cette quiétude, le vieux Bombyx s'allongea à l'ombre d'une feuille épaisse et grasse s'apprêtant à faire une sieste pour profiter de la tranquillité de l'après-midi.

    «  Ah ! Que la vie est agréable lorsqu'on n'a aucune contrainte ou obligation excepté le souci de son propre bien-être !   Rien de tel qu'une bonne sieste pour recouvrer ses forces en attendant la fraîcheur de la soirée. Je pleins ceux qui sont obligés de travailler sous cette chaleur excessive ! » Pensa le vieux Bombyx et  ferma les yeux avec beaucoup  satisfaction.

    A peine eut-il le temps de se plonger dans le sommeil qu'un bruit désagréable se perturba le silence le tirant brusquement de sa somnolence. Au début, il ignora cette perturbation  intempestive et se contenta de rester immobile. Cependant, le bruit se réitéra. Contrarié, le vieux vers du mûrier se tourna de côté et essaya de se rendormir en vain.   A intervalles régulières le bruit persistait.  Intrigué,  il ouvrit les yeux et se redressa tant bien que mal sur son séant.

    « Sapristi ! N'y a-t-il plus moyen de dormir tranquille dans ce mûrier ? »  S'indigna notre ami. Qui s'avise de déranger un vieux vers en pleine sieste ? » Il regarda autour de lui, mais ne vit rien de particulier. Un long moment s'écoula.

    «  Hum ! se dit-il. J'ai peut-être imaginé la chose», et il s'installa encore une fois le plus confortablement possible sous le feuillage. Mais voilà que le bruit reprit  s'intensifiant et  force fut de se réveiller pour de bon. Il n'avait plus du tout sommeil. Sortant de son abri, le vieux Bombyx scruta l'alentour dressant l'oreille. Il s'avança  de quelques pas dans la branche un peu plus loin, tout en cherchant d'où pouvait provenir la cacophonie qui l'empêchait de se reposer quand tout à coup une grosse goutte vint s'écraser sur sa tête.

    « Se mettrait-il à pleuvoir sans nuage dans le ciel et par un soleil aussi radieux ? » s'étonna-t-il.

    Il leva les yeux. Sur une branche au-dessus de lui, mal caché parmi les feuilles du mûrier, se tenait une minuscule petite chenille qui n'avait pas plus de quelques semaines. Le Bombyx identifia là, la source de ses ennuis.

    « Hé ! C'est toi petite qui fais ce raffut et m'empêche de dormir ?  N'as-tu rien d'autre à faire que t'empêcher les personnes âgées de trouver un repos justement mérité ? Va donc jouer ailleurs ! » Dit-il courroucé.

    La petite chenille ne répliqua rien. Elle se mit à pleurer de plus belle. Ses sanglots étaient  à fendre le cœur d'une pierre et notre ami n'était pas de ceux qui restent insensibles à la détresse d'autrui.  Adouci devant tant de chagrin, le vieux Bombyx  monta sur la branche supérieure et s'assis ses côtés. De sa voix la plus douce et enjouée, il tenta de consoler la petite chenille.

    « Allons, allons ! Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui te fait tant pleurer ? Ne veux-tu pas confier à un vieux grand-père ce qui te cause tant de chagrin ? »

    -          Je... c'est... ma, ma grande... sœur, bredouilla l'enfant. Elle ne veut pas, me... me lire une histoire et elle s'est moqué de moi, parce que je ne sais pas encore...pas lire...

    -          Ha, ha ! Juste ça !?  Bien trop de chagrin pour pas grand' chose. Voyons ! Sèche tes larmes. Moi, je te raconterai une belle histoire si te le désires.

    Un grand sourire illumina le visage de la petite chenille qui oublia de pleurer et elle s'écria : «  C'est vrai ! ? Vous feriez ça pour moi ?

    -          Bien sur, mais pour le moment il fait trop chaud pour faire quoi que se soi. Rentre chez toi et dès que l'heure de la sieste sera passée reviens me trouver sous ma grande feuille et je te raconterai autant d'histoires que ton cœur peut désirer.

    -          Je pourrai venir avec mes amis ?

    -          Oui. Maintenant rentre chez toi. »

    Rassérénée, la petite chenille s'en alla toute réjouie à cette perspective et le vieux Bombyx regagna  son abri et se plongea, enfin, dans un court sommeil réparateur.  Deux heures plus tard, lorsqu'il se réveilla, il vit arriver la petite chenille accompagnée de sa sœur et de quelques autres enfants-vers du voisinage, enchantés d'écouter une des histoires du plus célèbre conteur du mûrier. Ils s'assirent respectueusement en cercle autour du vieux Bombyx et attendirent qu'il veuille prendre la parole. Flatté, le conteur prit son temps avant de se lancer. Il se racla la gorge.

    « D'abord, commença-t-il, je tiens à vous dire que j'ai horreur de l'impertinence. Vous ne devez donc pas m'interrompre à tout venant  en posant de questions incongrues. A vous de réfléchir et trouver des réponses satisfaisantes à vos interrogations.  Ensuite, vous le savez déjà, tout ce que je vous révèlerai est la stricte vérité vraie. Je l'ai vu de mes propres yeux lorsque j'étais encore jeune et je parcourais le monde. »

    Les enfants-vers du mûrier acquiescèrent et le récit débuta.

     

  • Terra Incognita (6)

    2.jpgMacadam, asphalte, goudron, bitume...

    Le paysage se limite aux nombre des kilomètres que la voiture avale à une vitesse vertigineuse. Malgré ma détermination de ne pas paniquer, je sens une boule au fond de l'estomac. Inconsciemment j'appuie de plus en plus sur l'accélérateur. Par la vitre, je jette un regard sur le décor. Je vais prendre un repère : tiens ! Cet arbre à gauche à quelque distance. Je finirai bien par le dépasser. Une sorte de soulagement m' envahit. Je me mets à rire, d'abord doucement puis de plus en plus fort.  A gorge déployée. Je ris de moi-même, de mes craintes stupides. Je fixe l'arbre au loin. Bientôt j'arriverai à sa hauteur, je le dépasserai et le laisserai derrière.

    Une chaleur écrasante flotte tout à coup dans l'habitacle de la voiture. Je me penche et augmente la climatisation au maximum. La boule au fond de mon estomac intensifie sa pression.  Je sens les gouttes de sueur se former et couler sur mon front, tomber sur mes sourcils. Ma vue se brouille et je cligne des paupières.

    L'arbre à ma gauche me nargue à une certaine distance. Toujours la même. Identique. Il est impossible de le dépasser.

    Je réfléchis confusément. Que faire ? Continuer de rouler ? S'arrêter ? Faire demi-tour ? L'angoisse qui m'étreint est immense. Si nous poursuivons à cette allure nous risquons d'aggraver notre problème. Quand le jour déclinera, nous seront à court d'essence. Ma montre indique presque deux heures. Normalement, si tout s'était déroulé sans encombre, on serait déjà arrivé !

    L'arbre me nargue à bonne distance.

    Dans le mutisme qui règne dans la voiture, je sens que Faustine a les mêmes appréhensions que moi. Je n'ose pas lui adresser la parole, de crainte que les enfants nous écoutent.  Il faut pourtant que je discute avec elle. Il faut que nous prenions une décision. Tans pis, je me lance.

    " Faustine, il faut qu'on parle."

    Pas de réponse. Je répète plus fort.

    " Il faut qu'on se parle !"

    Elle ne bronche pas. Je la secoue violemment.

    "Faustine !

    - Je t'ai entendu. De quoi veux-tu parler ? Son ton est celui d'une conversation banale.

    - Mais, de tout ça !

    - Ca ! ?

    - Oui, de tout ça.

    - Je n'ai pas envie d'en parler.

    - Chérie, il le faut.

    - Je ne sais pas quoi te dire. Je ne comprends pas ce qui arrive. Je ne veux pas comprendre. Ca dépasse l'entendement. Je dois rêver. C'est un mauvais rêve, un cauchemar.

    - Tu sais bien que ce n'est pas un rêve...

    - Tais-toi ! Tais-toi ! Je ne veux rien savoir, je ne veux pas entendre. Ne dis plus rien !"

    Elle se bouche les oreilles. J'insiste. Faustine s'obstine et le ton monte. Soudain elle explose en sanglots. Les enfants affolés crient à leur tour. Victoire se met, elle aussi à pleurer. Une confusion absolue règne maintenant dans la voiture. Ca devient très difficile de conduire. Je me range sur la bande d'arrêt d'urgence. Je respire profondément.

    " Faustine, ma chérie... "

    Je tente de la prendre dans mes bras, mais elle me repousse.

    "Ne me touche pas !

    - Enfin..."

    Impuissant à la calmer, je bredouille des excuses confuses. Elle pleure de plus en plus. Je lui tends mon mouchoir qu'elle refuse en sortant ostensiblement le sien de son sac à main. Puis, elle ouvre la portière de la voiture et sort.

    " Venez, les enfants ! On s'en va, dit-elle sur un ton qui ne demande pas de réplique.

    - Faustine, où vas-tu ? Que vas-tu faire avec les enfants ? Tu n'as pas l'intention de partir en pleine nature !? Tu ne sais pas où nous sommes. Reviens !

    - Il est hors de question que je reste une seconde de plus ici avec toi. Je m'en vais, et les enfants viennent avec moi.

    - On ne va pas laisser la voiture et partir vers l'inconnu.

    - L'inconnu ? Mais nous sommes en plein dedans, mon pauvre Milan. Nous y sommes dans l'inconnu ! Tu n'as qu'à rester si tu veux. Moi, je pars avant que ce ne soit trop tard ! Venez les enfants."

    D'un pas déterminé elle s'éloigne vers la glissière, la franchit et tenant fermement nos enfants par la main, s'éloigne dans les champs. Je suis sous le choc. Je l'appelle encore et encore. Secoué, je sors de la voiture à mon tour. Je me mets à courir  vers eux en criant leurs prénoms. Pas un seul instant ils ne se retournent. Je vois leurs silhouettes s'amenuiser et disparaître. Je crie, hurle et cours. Je cours vers la glissière par où sont partis ma femme et mes enfants et je pleure à mon tour. Eberlué je regarde autour de moi le paysage baigné dans une lumière grise et sale. Epuisé je tombe au sol et je prends ma tête entre mes mains. Il faut me calmer, raisonner.  Faustine est partie. Elle va chercher du secours. Il faut que je retourne à la voiture. Il faut que j'attende. Il le faut si je ne veux pas devenir fou.

    Une fois dans la voiture, je récupère ce cahier d'écolier dans les affaires de mes enfants et je me mets à écrire afin de tromper mon attente.

    Toute tentative pour rejoindre Faustine et les enfants a été vaine. J'ai couru jusqu'à épuisement. Je n'ai pas avancé d'un mètre ! J'ai essayé à plusieurs reprises. Le résultat a toujours était le même. Je me retrouve prisonnier de cette route qui aurait dû être celle des vacances et du repos. Je m'efforce de ne pas penser à ma faim ou ma soif. J'écris, noircis les pages de mon cahier d'écolier. Et j'attends les secours dans la lumière jaunâtre de ce pays qui me garde prisonnier.

    Et, à gauche de la route, à une certaine distance de l'endroit où je me trouve, l'arbre me nargue de loin.

    FIN

  • Terra Incognita (4)

    autoroute 3.jpg Etrange. Où sont donc passées les autres voitures ? La dispute entre Faustine et moi m'a absorbé tellement que je n'ai plus fait attention à ce qui se passait autour de moi. Pour une fin de semaine prolongée, la route est particulièrement calme.

    J'ouvre la fenêtre et je ferme la climatisation. L'air de la campagne porte les parfums du Printemps.

    Je branche la radio pour écouter les infos trafic. Des grésillements désagréables se font entendre et j'ai beau parcourir la bande, je ne capte rien. Dépité, j'éteins la radio. Peu importe ce que les journalistes disent. Ils se trompent une fois sur deux. D'ailleurs, nous ne tarderons pas à arriver à l'échangeur. Nous devons être proches.

    Je regarde ma montre. Elle affiche onze heures passées. Curieux. Je ne m'étais pas rendu compte d'avoir roulé si longtemps. Bientôt les enfants vont avoir faim. Moi aussi. Il faudra qu'on s'arrête pour manger quelque chose. Je touche le bras de Faustine qui sursaute.

    - Que se passe-t-il ? dit-elle en émergeant de sa torpeur.

    -  Je me demandais si nous nous arrêtions pour manger quelque chose.

    - Peut-être. Quelle heure est-il ?

    - Il sera bientôt midi.

    - Déjà ! Je me suis endormie sans m'en rendre compte. Je n'ai pas vu le temps passé, se justifie-t-elle. Arrêtons-nous à la prochaine station. Tu dois être fatigué. Si tu veux, je prendrai le volant sur la dernière portion de la route.

    J'acquiesce et je mets un CD dans le lecteur. la musique semble s'accorder parfaitement à la nature environnante qui me semble superbe. Nous roulons à vitesse constante et je guette les panneaux de signalisation. Si tout va bien, nous serons à destination peu avant deux heures. Le temps de sortir nos bagages et nous irons nous baigner. La mer est un peu froide à cette époque de l'année mais, le premier frisson passé, l'eau devient agréable.

    Quelques temps après, alors que je ne vois pas encore l'aire de repos, Faustine me jette des coups d'oeil inquiets.

    - Tu es sûr de ne pas avoir raté la sortie ? me demande Faustine. Il me semble que nous aurions du trouver la sortie depuis un moment.

    - Non ! Je te garantis que je l'aurais vu, si nous l'avions dépassé.

    - Pourtant, ça fait plus de vingt kilomètres.

    - Je ne pense pas ! Ca ne va pas tarder.

    Nous nous taisons. Les enfants commencent à s'agiter à l'arrière.

    - Papa, j'ai faim, se plaint Victoire. En plus j'ai envie d'aller aux toilettes !

    - Moi aussi ! renchérit mon fils Octave. Maman, quand est-ce qu'on s'arrête ?

    - Taisez-vous les enfants ! Bientôt. Restez sages.

    - Mais j'ai très envie, maman ! insiste Victoire.

    - Dans quelques minutes, les enfants ! Patience.

    Je roule encore. J'évalue la distance qui nous sépare de la prochaine aire de repos à une dizaine de kilomètres.

    - Tu as peut-être raison, Faustine. J'ai du raté la dernière aire de repos. Il faut attendre la prochaine. D'ici dix minutes les enfants.

    Faustine me sourit tendrement. Je regarde le kilométrage de la voiture. Je roule encore. Dix minutes s'écoulent. Puis quinze. Les minutes s'allongent. Les kilomètres aussi.

    - Papa ! J'ai envie d'aller aux toilettes, répète Victoire. Quand est-ce qu'on s'arrête ?

    Je ne réponds pas. Tout à coup, la chaleur se fait plus intense. Je branche la climatisation et je remonte la vitre. Soudain, la musique sirupeuse que les haut-parleurs diffusent me tape sur les nerfs. J'arrête le CD et cherche une station radio. A nouveau des grésillements désagréables et aucune émission. Excédé, j'éteins. Maintenant que j'y songe, je n'ai pas pu rater la sortie. Comment serait-ce possible ? Nous avons parcouru bien plus que  vingt kilomètres. Environ cinquante ! Sans un mot, je mets le clignotant et je me gare doucement sur la bande d'arrêt d'urgence.

    - Milan, tu es fou ? Tu ne vas pas t'arrêter en plein milieu de la route !

    - Ce n'est pas le plein milieu de la route, je te signale. Quelques instants seulement. Passe derrière la glissière de sécurité avec les enfants pour qu'ils se soulagent. Je vais consulter la carte.

    - La carte ? s'étonne Faustine. Pourquoi faire. A quoi ça sert d'avoir un GPS si c'est pour consulter la carte !

    - Je t'en prie Faustine, fais ce que je te dis et ne discute pas !

    Contrariée, elle obéit et conduit les enfants derrière la glissière dans les champs et ils disparaissent tout les trois de ma vue.

    Resté seul, je sors une carte routière qui a beaucoup servi et la consulte fébrilement. Je refais l'itinéraire dans ma tête. Je cherche à quel endroit je me suis trompé.Rien à signaler. Sortis de Paris, je me suis engagé sur la bonne route. A la station essence, j'ai pris la bonne direction. Si je calcule le nombre de kilomètres parcourus depuis,  nous aurions dû trouver notre sortie depuis une bonne heure déjà !

     

  • Terra Incognita (3 bis)

    autoroute 3.jpgAh,  les vacances  ! Ils vous feraient oublier tout de ses responsabilités. Alors que le ruban de l'asphalte se déroule dans un monde multicolore et plein de promesses, je me mets à rêver de journées interminables, de la mer, de la chaleur et je me sens bien, heureux alors que le stress me quitte petit à petit. Voilà que je m'oublie et sors une cigarette de mon paquet neuf et j'en allume une.

    " Milan ! Tu ne vas pas encore fumer ? "

    La voix impérieuse de ma femme me parvient à travers les volutes bleues, amortie.

    " Ce n'est qu'une petite, Faustine ! Après tout, je suis en vacances. Tu ne vas pas me mettre la pression !

    - Je ne te mets aucune de pression. Mais tu nous fais subir aux enfants et à moi. Tu sais combien c'est nocif...

    Je n'écoute plus. Le discours est toujours le même ; celui des non fumeurs envers les fumeurs.

    " Bonté divine ! Toute cette radioactivité dans l'atmosphère, la pollution qui nous entoure, les produits chimiques qu'on utilise à profusion pour rendre le quotidien plus agréable te laissent de marbre et tu fais tout un plat de la fumée d'une malheureuse cigarette  ! ?

    - Ça n'a rien à voir ! proteste-t-elle. La cigarette c'est quelque chose que l'on maîtrise, qu'on peut y remédier, alors que la pollution...

    - Ha ! Laisse-moi rire ! Te voilà partie dans des grands discours sociaux-politiques !

    - Absolument pas ! Je n'ai pas envie de choper un cancer parce que je subis la fumée de ta cigarette.

    Je vois qu'elle se vexe à son maintien qui se raidit, à son visage qui se ferme, son regard qui fixe la route au loin. Je deviens conciliant.

    - D'accord, le tabac est nocif et provoque des cancers. Mais tu ne vois pas que c'est le discours de la politique qui se donne bonne conscience ? Dans un monde aussi pollué et aussi pourri que le nôtre nous ne craignons pas tant quelques malheureuses bouffées.

    - C'est pour ton bien que je le dis, insiste Faustine. Fais -le pour les enfants et moi, si ce n'est pour toi ! Je n'ai pas envie de devenir veuve avant l'âge !

    Je ris à cette conclusion mélodramatique.

    - Je n'ai pas l'intention de mourir, rassure-toi ! Je vais profiter des vacances avant toutes choses.

    Elle ne répond pas mais je vois qu'elle est mécontente. Elle serait capable de bouder durant tout le week-end si l'envie lui prenait. Je tente de l'amadouer.

    " Tu as raison, ma chérie. Je vais profiter de ces vacances pour essayer d'arrêter de fumer.

    - Non pas essayer ! Arrêter ! Ce sera une preuve d'amour pour nous !

    - Promis, Faustine. Mais attends qu'on arrive d'abord.  On ne devrait pas être loin de la sortie d'ailleurs.

    En effet, depuis que nous avons quitté la station essence, nous avons bien roulé. Le trafic était fluide.  Je me concentre sur ma conduite et nous progressons quelques dizaines de kilomètres en silence. Les enfants se sont réveillés et jouent avec leur console vidéo tranquillement à l'arrière. Faustine s'accoude à la portière et s'assoupit légèrement. Finis, les leçons de morale, les disputes et les cigarettes. Je souris.

    " Je dois faire un effort, pensé-je. Arrêtons de fumer s'il n'y a que ça pour avoir la paix et la sérénité. "

    Je profite de ce calme et je me promets de tenir parole. Et si je commençais tout de suite ? Il suffit de jeter mon paquet de cigarettes histoire de ne pas avoir la tentation sous les yeux. Mes pensées vagabondent.

    "Imagine que j'ouvre la vitre et balance le paquet par la fenêtre de la voiture ; un automobiliste surprit par mon geste fait une incartade sur la route ; un camion qui est en train de le doubler  n'as pas le temps de réagir et ils se rentrent dedans. Crissements de pneus, tôles froissées, trois morts !  La police cherche les responsabilités des uns et des autres. Il n'y a pas que le cancer qui tue. Voilà que ma dispute  anodine avec Faustine sur la cigarette finit par causer des graves dégâts ! " Sur cette dernière pensée, je regarde dans le rétroviseur pour apercevoir "ma victime " potentielle.

    Pour un trafic fluide, il l'est vraiment ! Pas l'ombre d'une voiture. Ni même d'un pare-choc !