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adultes - Page 3

  • Terra Incognita (5)

    1.jpgJe respire profondément. Surtout ne pas paniquer. Je vérifie à nouveau. Paris, la sortie, la route, la station essence... Je jette un coup d'oeil au  GPS qui affiche imperturbable la direction à suivre. Mes pensées sont confuses. Que se passe-t-il ? Je ne comprends plus rien ! C'est absurde. On dirait que nous n'avons pas avancé depuis notre première pause. Que faire ?

    Je plie la carte. Faustine et les enfants reviennent et s'installent dans la voiture. Sans un mot, je mets le moteur en marche, puis le clignotant et j'appuie doucement sur l'accélérateur. Le puissant véhicule se lance sur la chaussée. J'accélère. Le compteur indique 90 kilomètres. J'accélère encore. Rapidement  j'arrive à 100 ;  je continue à appuyer.  Nous roulons à 120 kh/h, bientôt 130. Avec une sorte de jouissance j'observe le compteur qui dépasse maintenant les 140 kh/h.

    - Milan ! Ralentis ! Tu vas nous précipiter dans le décor ! Qu'est-ce qui te prends ?

    - Quoi ? Je ricane. Ce n'est pas un peu de vitesse qui te fait peur !

    Je sens la machine vibrer sous mes pieds. J'atteins plus de 150.

    - Milan ! Arrête ! Tu vas nous tuer ! Arrête, je te dis ! hurle Faustine. Tu perds l'esprit.

    Je ne réplique rien. Je suis comme hypnotisé par le rugissement du moteur. La voiture avale les distances.

    - Pour l'amour du ciel, Milan ! On va avoir un accident !  Ralentis, s'il te plait. Tu me fais peur.

    Je ne daigne pas répondre mais je relève le pied de l'accélérateur. La voiture continue sur sa lancée et finit par perdre de la vitesse. Je reprends une allure plus raisonnable.

    - Excuse-moi, Faustine. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je voulais voir...

    - Ne recommence plus, tu m'entends ! m'interrompt-elle. J'ai cru que nous allions percuter les barrières. Tu es fou de rouler si vite.

    - Je voulais voir quelque chose.

    - Ah ! Quoi donc ?

    J'évite de répondre à sa question. Comment aborder le sujet sans alerter les enfants, sans lui faire peur ?

    - Tu n'aurais pas mis un paquet de gâteaux dans le coffre ? Histoire de manger un peu en attendant ?

    - Tu sais bien qu'il ne faut pas grignoter avant  le repas sinon...

    Elle s'arrête soudain. Elle vient de comprendre. J'entends sa respiration s'accélérer. D'un doigt qui tremble légèrement, elle montre le bas côté de la route.

    - Arrête-toi là...

    Sa voix s'étrangle dans sa gorge. Je stoppe le moteur. Nous descendons de la voiture sans faire particulièrement attention à la route. D'ailleurs, nous ne risquons rien. Nous sommes totalement seuls sur ce chemin. Abrités du regard des enfants derrière le coffre ouvert, nous nous dévisageons quelques instants. Par où commencer ? Faustine me facilite la tâche.

    - Nous sommes perdus.

    - Pas exactement. Nous sommes toujours sur la route qui nous mène à Biarritz. Sauf que...

    - Sauf que ?

    - Eh, bien, nous n'avançons pas vraiment.

    Elle répète bêtement ce que je viens de lui dire.

    - Nous n'avançons pas vraiment ! ?

    - Après la station essence nous avons parcouru plusieurs dizaines de kilomètres. C'est comme si nous avancions sur place.

    - Nous avancions sur place ! ? reprend-elle  ce qui m'énerve prodigieusement.

    - Cesse de répéter ce que je dis ! Nous n'avançons pas ! Nous roulons, roulons et nous restons sur place !

    - C'est ridicule ! Comment veux-tu rouler et rester sur place ?

    - Je ne sais pas. Je ne comprends pas plus que toi. Ce que je sais c'est que nous sommes toujours au même endroit. Il est une heure passée et nous aurions dû être proches de notre destination ! Au lieu de ça...

    Sans un mot, Faustine ouvre un sac et sort un paquet de gâteaux au chocolat et une brique de jus d'orange, rabat le coffre.

    - Allons-y ! dit-elle. Partons.

    Je la suis dans la voiture. Elle distribue à chacun des gâteaux et donne à boire aux enfants à même le carton. Nous n'avons pas de verre.

    - Démarre ! ordonne-t-elle.

    J'obéis et  tourne la clef de contact.  Je passe la première et laisse glisser le véhicule lentement sur la chaussée.. Les pneus soulèvent un nuage de poussière grise qui part rencontrer ceux qui courent déjà à l'horizon. Le soleil semble terni tout à coup.

    A nouveau la route s'étale devant nous. Interminable.

     

  • Terra Incognita (4)

    autoroute 3.jpg Etrange. Où sont donc passées les autres voitures ? La dispute entre Faustine et moi m'a absorbé tellement que je n'ai plus fait attention à ce qui se passait autour de moi. Pour une fin de semaine prolongée, la route est particulièrement calme.

    J'ouvre la fenêtre et je ferme la climatisation. L'air de la campagne porte les parfums du Printemps.

    Je branche la radio pour écouter les infos trafic. Des grésillements désagréables se font entendre et j'ai beau parcourir la bande, je ne capte rien. Dépité, j'éteins la radio. Peu importe ce que les journalistes disent. Ils se trompent une fois sur deux. D'ailleurs, nous ne tarderons pas à arriver à l'échangeur. Nous devons être proches.

    Je regarde ma montre. Elle affiche onze heures passées. Curieux. Je ne m'étais pas rendu compte d'avoir roulé si longtemps. Bientôt les enfants vont avoir faim. Moi aussi. Il faudra qu'on s'arrête pour manger quelque chose. Je touche le bras de Faustine qui sursaute.

    - Que se passe-t-il ? dit-elle en émergeant de sa torpeur.

    -  Je me demandais si nous nous arrêtions pour manger quelque chose.

    - Peut-être. Quelle heure est-il ?

    - Il sera bientôt midi.

    - Déjà ! Je me suis endormie sans m'en rendre compte. Je n'ai pas vu le temps passé, se justifie-t-elle. Arrêtons-nous à la prochaine station. Tu dois être fatigué. Si tu veux, je prendrai le volant sur la dernière portion de la route.

    J'acquiesce et je mets un CD dans le lecteur. la musique semble s'accorder parfaitement à la nature environnante qui me semble superbe. Nous roulons à vitesse constante et je guette les panneaux de signalisation. Si tout va bien, nous serons à destination peu avant deux heures. Le temps de sortir nos bagages et nous irons nous baigner. La mer est un peu froide à cette époque de l'année mais, le premier frisson passé, l'eau devient agréable.

    Quelques temps après, alors que je ne vois pas encore l'aire de repos, Faustine me jette des coups d'oeil inquiets.

    - Tu es sûr de ne pas avoir raté la sortie ? me demande Faustine. Il me semble que nous aurions du trouver la sortie depuis un moment.

    - Non ! Je te garantis que je l'aurais vu, si nous l'avions dépassé.

    - Pourtant, ça fait plus de vingt kilomètres.

    - Je ne pense pas ! Ca ne va pas tarder.

    Nous nous taisons. Les enfants commencent à s'agiter à l'arrière.

    - Papa, j'ai faim, se plaint Victoire. En plus j'ai envie d'aller aux toilettes !

    - Moi aussi ! renchérit mon fils Octave. Maman, quand est-ce qu'on s'arrête ?

    - Taisez-vous les enfants ! Bientôt. Restez sages.

    - Mais j'ai très envie, maman ! insiste Victoire.

    - Dans quelques minutes, les enfants ! Patience.

    Je roule encore. J'évalue la distance qui nous sépare de la prochaine aire de repos à une dizaine de kilomètres.

    - Tu as peut-être raison, Faustine. J'ai du raté la dernière aire de repos. Il faut attendre la prochaine. D'ici dix minutes les enfants.

    Faustine me sourit tendrement. Je regarde le kilométrage de la voiture. Je roule encore. Dix minutes s'écoulent. Puis quinze. Les minutes s'allongent. Les kilomètres aussi.

    - Papa ! J'ai envie d'aller aux toilettes, répète Victoire. Quand est-ce qu'on s'arrête ?

    Je ne réponds pas. Tout à coup, la chaleur se fait plus intense. Je branche la climatisation et je remonte la vitre. Soudain, la musique sirupeuse que les haut-parleurs diffusent me tape sur les nerfs. J'arrête le CD et cherche une station radio. A nouveau des grésillements désagréables et aucune émission. Excédé, j'éteins. Maintenant que j'y songe, je n'ai pas pu rater la sortie. Comment serait-ce possible ? Nous avons parcouru bien plus que  vingt kilomètres. Environ cinquante ! Sans un mot, je mets le clignotant et je me gare doucement sur la bande d'arrêt d'urgence.

    - Milan, tu es fou ? Tu ne vas pas t'arrêter en plein milieu de la route !

    - Ce n'est pas le plein milieu de la route, je te signale. Quelques instants seulement. Passe derrière la glissière de sécurité avec les enfants pour qu'ils se soulagent. Je vais consulter la carte.

    - La carte ? s'étonne Faustine. Pourquoi faire. A quoi ça sert d'avoir un GPS si c'est pour consulter la carte !

    - Je t'en prie Faustine, fais ce que je te dis et ne discute pas !

    Contrariée, elle obéit et conduit les enfants derrière la glissière dans les champs et ils disparaissent tout les trois de ma vue.

    Resté seul, je sors une carte routière qui a beaucoup servi et la consulte fébrilement. Je refais l'itinéraire dans ma tête. Je cherche à quel endroit je me suis trompé.Rien à signaler. Sortis de Paris, je me suis engagé sur la bonne route. A la station essence, j'ai pris la bonne direction. Si je calcule le nombre de kilomètres parcourus depuis,  nous aurions dû trouver notre sortie depuis une bonne heure déjà !

     

  • Terra Incognita (3 bis)

    autoroute 3.jpgAh,  les vacances  ! Ils vous feraient oublier tout de ses responsabilités. Alors que le ruban de l'asphalte se déroule dans un monde multicolore et plein de promesses, je me mets à rêver de journées interminables, de la mer, de la chaleur et je me sens bien, heureux alors que le stress me quitte petit à petit. Voilà que je m'oublie et sors une cigarette de mon paquet neuf et j'en allume une.

    " Milan ! Tu ne vas pas encore fumer ? "

    La voix impérieuse de ma femme me parvient à travers les volutes bleues, amortie.

    " Ce n'est qu'une petite, Faustine ! Après tout, je suis en vacances. Tu ne vas pas me mettre la pression !

    - Je ne te mets aucune de pression. Mais tu nous fais subir aux enfants et à moi. Tu sais combien c'est nocif...

    Je n'écoute plus. Le discours est toujours le même ; celui des non fumeurs envers les fumeurs.

    " Bonté divine ! Toute cette radioactivité dans l'atmosphère, la pollution qui nous entoure, les produits chimiques qu'on utilise à profusion pour rendre le quotidien plus agréable te laissent de marbre et tu fais tout un plat de la fumée d'une malheureuse cigarette  ! ?

    - Ça n'a rien à voir ! proteste-t-elle. La cigarette c'est quelque chose que l'on maîtrise, qu'on peut y remédier, alors que la pollution...

    - Ha ! Laisse-moi rire ! Te voilà partie dans des grands discours sociaux-politiques !

    - Absolument pas ! Je n'ai pas envie de choper un cancer parce que je subis la fumée de ta cigarette.

    Je vois qu'elle se vexe à son maintien qui se raidit, à son visage qui se ferme, son regard qui fixe la route au loin. Je deviens conciliant.

    - D'accord, le tabac est nocif et provoque des cancers. Mais tu ne vois pas que c'est le discours de la politique qui se donne bonne conscience ? Dans un monde aussi pollué et aussi pourri que le nôtre nous ne craignons pas tant quelques malheureuses bouffées.

    - C'est pour ton bien que je le dis, insiste Faustine. Fais -le pour les enfants et moi, si ce n'est pour toi ! Je n'ai pas envie de devenir veuve avant l'âge !

    Je ris à cette conclusion mélodramatique.

    - Je n'ai pas l'intention de mourir, rassure-toi ! Je vais profiter des vacances avant toutes choses.

    Elle ne répond pas mais je vois qu'elle est mécontente. Elle serait capable de bouder durant tout le week-end si l'envie lui prenait. Je tente de l'amadouer.

    " Tu as raison, ma chérie. Je vais profiter de ces vacances pour essayer d'arrêter de fumer.

    - Non pas essayer ! Arrêter ! Ce sera une preuve d'amour pour nous !

    - Promis, Faustine. Mais attends qu'on arrive d'abord.  On ne devrait pas être loin de la sortie d'ailleurs.

    En effet, depuis que nous avons quitté la station essence, nous avons bien roulé. Le trafic était fluide.  Je me concentre sur ma conduite et nous progressons quelques dizaines de kilomètres en silence. Les enfants se sont réveillés et jouent avec leur console vidéo tranquillement à l'arrière. Faustine s'accoude à la portière et s'assoupit légèrement. Finis, les leçons de morale, les disputes et les cigarettes. Je souris.

    " Je dois faire un effort, pensé-je. Arrêtons de fumer s'il n'y a que ça pour avoir la paix et la sérénité. "

    Je profite de ce calme et je me promets de tenir parole. Et si je commençais tout de suite ? Il suffit de jeter mon paquet de cigarettes histoire de ne pas avoir la tentation sous les yeux. Mes pensées vagabondent.

    "Imagine que j'ouvre la vitre et balance le paquet par la fenêtre de la voiture ; un automobiliste surprit par mon geste fait une incartade sur la route ; un camion qui est en train de le doubler  n'as pas le temps de réagir et ils se rentrent dedans. Crissements de pneus, tôles froissées, trois morts !  La police cherche les responsabilités des uns et des autres. Il n'y a pas que le cancer qui tue. Voilà que ma dispute  anodine avec Faustine sur la cigarette finit par causer des graves dégâts ! " Sur cette dernière pensée, je regarde dans le rétroviseur pour apercevoir "ma victime " potentielle.

    Pour un trafic fluide, il l'est vraiment ! Pas l'ombre d'une voiture. Ni même d'un pare-choc !