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enfants - Page 2

  • Cendrillon et les talons aiguilles (8)

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    L'Avatar de Cendrillon était éveillé malgré l'heure tardive, échafaudant des projets pour prendre définitivement la place de Cendrillon au Palais. Il ne savait pas combien de temps le sortilège de la Fée-marraine pouvait encore tenir. Il fallait donc agir vite et avec beaucoup de discrétion. Il ferma la porte à clef, s'assura que tout le monde dormait et habillé de noir, se faufila par la porte du balcon dans les jardins, et de là, vers la ville basse. Il connaissait bien les lieux, ce qui lui permettait de se déplacer avec aisance sans éclairage. Il marcha longtemps et arriva enfin devant une masure appuyée sur les remparts de la ville. L'Avatar frappa trois coups et entra sans attendre de réponse. Une fois sa besogne exécutée, il regagna les jardins du Palais, grimpa sur le balcon de la chambre de Cendrillon. Rapidement, il se débarrassa de ses vêtements sombres et se glissa comme si de rien n'était dans le lit.

    Le lendemain matin, la fausse Cendrillon  prétexta une indisposition soudaine, s'enferma dans ses appartements et refusa de recevoir quiconque demandait audience. Elle interdit à ses suivantes de la déranger mais envoya un message au Prince qui s'empressa d'arriver, alarmé d'apprendre que son cher amour ne se sentait pas très bien.

    « Que vous arrive-t-il, cher ange ? Voulez-vous que j'envoie chercher le médecin du Palais ?

    -          Non, non ! Ne prenez pas cette peine, mon Prince. Ce n'est qu'une indisposition passagère qui ne tardera pas à se dissiper.

    -          Dites-moi ce qui vous ferait plaisir, et je me ferais un honneur de satisfaire vos désirs !

    -          Mon Prince, dit l'Avatar d'une voix qu'il fit douce et caressante. Cela fait bien longtemps que je désire aller rendre visite à ma vieille grand-mère qui habite près des remparts. Elle est vieille et malade et je ne sais combien de temps lui reste-t-il à vivre ! Elle me manque terriblement !

    -          Pourquoi ne le disiez-vous pas plutôt ? Est-ce cela qui cause votre indisposition ? J'envois mes gardes la chercher pour l'accompagner au Palais tout de suite.

    -          Non ! s'écria aussitôt la fausse Cendrillon. Inutile de déranger les gardes. Elle est trop vieille et elle risque de prendre peur avant qu'ils aient eu le temps de lui expliquer leur présence chez elle !

    -          Mais alors ?

    -          Je voudrais qu'aujourd'hui, vous m'accompagniez chez elle. Rien que vous et moi.

    -          Rien de plus facile. J'ordonnerais qu'on nous prépare le carrosse royal et ...

    -          Allons à pied ! S'empressa de demander Cendrillon-Avatar. Ne le dites à personne et partons ensemble chez ma grand-mère pendant l'heure de la sieste. Je ne veux pas que les gens au Palais sachent que je vais voir une pauvre parente dans les bas quartiers.

    -          Pourquoi donc ? C'est tout à votre honneur de vouloir prendre des nouvelles de votre parente ! Cela prouve combien vous êtes gentille, prévenante et combien vous vous souciez du bien-être de votre famille !

    -          Non, non ! Pensez à ce qu'on dira. Certaines personnes ne voient pas d'un bon œil notre mariage et ne demandent qu'à trouver des prétextes pour m'accuser de ne pas appartenir à votre monde. Elles ne manqueront pas de raconter que je néglige mes devoirs pour courir chez mes parents à la première occasion. Je ne puis souffrir que ma réputation soit ternie. Cela nous causerait un grand préjudice si on s'avise à dire que j'ai des préférences. Imaginez mon amour si votre mère l'apprenait ! Elle ne supporterait pas de se sentir évincée.

    -          Je ne vois pas en quoi ça la dérangerait.

    -          On ne sait jamais, mon Prince. Je préfère que cela reste notre secret à vous et moi. Cela me ferait tant plaisir ! »

    Afin de satisfaire sa femme qui le lui demandait comme une faveur, le Prince accepta d'accompagner la fausse Cendrillon dans les bas quartiers. Ainsi, à l'heure de la sieste, lorsque tout le monde se retira pour se reposer dans sa chambre, le Prince et celle qui croyait être sa femme, déguisés et méconnaissables sortir par une porte dérobée et se dirigèrent vers les quartiers pauvres. Arrivés devant la même porte que l'Avatar             avait poussée la veille, ils frappèrent. Une voix chevrotante et faible les invita à entrer et les deux époux, pénétrèrent dans une pièce au plafond bas, sombre et malodorante. Dans un coin, se tenait une très vieille femme, laide et dépenaillée qui se hissa sur son séant dès qu'elle les vit. Le Prince esquissa un mouvement de recul mais ne dit rien de peur d'offenser sa femme. La vieille femme leur fit un accueil chaleureux, les invita à s'asseoir et leur offrit à boire. A contre cœur, le Prince goûta à l'affect breuvage de la grand-mère et décida de faire semblant d'avaler. Mais Cendrillon le fixait avec un sourire et il s'obligea à l'avaler jusqu'à la dernière goutte. Les deux femmes se promirent de se revoir très bientôt et après des embrassades qui parurent interminables au Prince, ils reprirent le chemin du retour. Cendrillon était heureuse et n'arrêtait pas de répéter combien la visite chez sa grand-mère lui avait fait du bien, et combien elle était reconnaissante aux Prince d'avoir accepté de l'accompagner. Elle penchait tendrement sa tête sur l'épaule du Prince, lui caressait la main et ne cessait pas de soupirer d'aise. Pour ne pas la contrarier le Prince ne dit rien, et promis de recommencer l'expérience. Il quitta son épouse devant la porte de ses appartements et regagna les siens avant que les gens du Palais ne se rendent compte de son absence.

    L'Avatar jubilait. Son plan avait marché à merveille. En réalité, la vieille femme à qui ils avaient rendu visite n'était nullement sa grand-mère mais une puissante sorcière qui en contrepartie de ses services avait préparé un filtre pour ensorceler le Prince et le lier pour toujours à la fausse Cendrillon. De sorte que si la vraie Cendrillon venait à revenir à l'improviste, elle ne pourrait plus reprendre sa place et l'Avatar serait reine pour toujours.

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (6)

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    Juchée sur des talons d’une hauteur vertigineuse, Cendrillon s’efforçait  de suivre les indications du chorégraphe.

    « Qui m’a mis une cruche pareille, pensait avec amertume le Maître de danse. J’ai rarement vu une gourde pareille ! On ne sera jamais prêt pour l’ouverture du spectacle. S’il vous plaît mesdemoiselles ! déclara-t-il à haute voix. Reprenons à la troisième mesure, et tâchez de ne pas vous tromper ! Soyez dans le rythme, conclut-il en faisant signe au pianiste de reprendre. A mon signal ! »

    Il fit une pause, retourna s’asseoir face à la scène.

    "Prêtes, Mesdemoiselles ? Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, et cinq six, sept… STOP ! »

    Une rumeur se diffusa parmi les danseuses. Il s’avança  de quelques pas vers le groupe, sortit un énorme mouchoir de sa poche et s’épongea le front.

    « ARRETEZ TOUT ! Bonté divine quelle genre de danseuse vous êtes à le fin ? Lança-t-il à l’attention de Cendrillon. Vous ne pouvez pas faire attention ? Ce n’est pas compliqué ! Vous avancez de deux pas… poursuit le Maître en joignant le geste à la parole. Pirouette, on lève la jambe, et hop, on revient à la position de départ.  On recommence. Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit… Bien. Mesdames, c’est tout pour aujourd’hui. Je vous revois demain à sept heures précises. »

    Cendrillon suivit les autres danseuses dans les coulisses. Une fois dans la loge qu'elle partageait avec deux autres filles,  la jeune fille retira ses hauts talons avec  un soulagement manifeste. Elle prit le temps de masser ses orteils puis, elle glissa ses pieds meurtris dans une paire de charentaises que Giselle lui avait offertes. Elle avait des ampoules, ses pieds, ses jambes et ses orteils la faisaient souffrir atrocement.

    « Mes pieds sont si déformés, que je n’arriverais plus jamais à entrer dans mes jolies pantoufles de vair ! Soupira-t-elle. Si au moins, je pouvais rester me reposer à la maison demain ! » Elle savait pourtant, que cela était impossible, et que dès cinq heures du matin, Giselle l’attendrait avec une tasse de thé à la main pour l’accompagner à ses répétitions.


    ***

     

     

    Pendant que Cendrillon s'évertuait à tenir debout sur ses talons aiguilles, l'Avatar resté au palais à sa place, passait des journées heureuses et tranquilles. Elle avait tout ce dont elle avait besoin ; on prenait soin d’elle ; on faisait attention à ses moindres désirs ; et le Prince était parfaitement charmant. Une après midi où elle se promenait bras dessus-dessous avec l’héritier du trône, elle envisagea son existence avant d’arrivée au Palais. Ah ! Comme ce serait bien de rester toujours ici dans ce lieu superbe, entourée des gens de qualité ! Ne jamais se soucier des besognes bassement matérielles et vulgaires du quotidien ! Tout en hochant la tête à ce que lui murmurait le Prince à l’oreille, l’Avatar échafaudait ses plans.

    « Pourquoi je laisserai ma place à Cendrillon ? Elle n’apprécie pas plus que ça la vie au Palais ! Elle passait son temps à s’ennuyer et à se plaindre ! Je ne vois pas pourquoi elle aurait droit de profiter de tout alors que je suis cantonnée à faire les doublures ? Après tout, elle a choisi de partir ; personne ne l’a forcée. Elle était d’accord pour qu’on échange nos places. Il faut trouver un moyen pour qu’elle ne revienne plus… »

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (2)

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    Cendrillon s’ennuyait.

    Depuis un certain temps déjà, le luxe, les fastes du palais, les bals avaient perdu leurs attraits. Assurément, elle vivait dans des appartements spacieux. Elle possédait des équipages luxueux, des habits pour chaque occasion, des bijoux et des parures somptueux. Des dizaines de serviteurs prévenaient ses moindres désirs. Elle avait une dame de compagnie pour discuter, s’amuser, se promener avec elle lorsque le Prince était occupé et une femme de chambre pour l’aider à se laver, s’habiller, se coiffer. A table la nourriture était abondante et variée et les cuisiniers s’activaient toute la journée pour satisfaire ses goûts. Les distractions étaient nombreuses, les cérémonies et les réceptions régulières. En été elle partait avec le Prince et sa famille aux bains de mers. En hiver à la montagne. En automne à la chasse, au printemps à la campagne. Chaque matin, elle recevait dans son salon particulier des visiteurs de marque venant des quatre coins du pays. Elle s’entretenait de musique, de philosophie, d’art, de poésie avec d’illustres Maîtres. Chaque soir, elle assistait à divers spectacles : théâtres, ballets, opéras, concerts. Lorsque la nuit venait, après s’être retirée dans sa chambre, c’est totalement épuisée que Cendrillon se jetait sur son vaste lit et dormait d’une traite jusqu’au matin suivant. Cependant, malgré cette vie que d’autres envieraient et appelleraient dorée Cendrillon s’ennuyait ferme. Elle avait beau faire, la vie au palais et à la cour lui pesait.

    Au début, bien évidemment, elle avait été enchantée de sa chance, flattée d’avoir été choisie par le Prince pour devenir sa femme. Touchée de l’affection que chacun lui témoignait, émue par l’amour et la gentillesse du Prince, émerveillée par les richesses qui l’entouraient, Cendrillon se considéra la plus heureuse fille du monde, voire de l’univers tout entier. Son bonheur aurait été total si une petite idée n’était pas venue assombrir ses pensées, tel un grain de sable qui se glisse dans une mécanique et la dérègle. C’est que depuis son mariage, son entrée au Palais et à la cour du Roi, Cendrillon n’avait rien fait ou décidé d’elle-même. Aucune activité n’avait été choisie par elle, aucun travail de quelque nature qu’il fût n’avait été entrepris sous son initiative personnelle. Cela, Cendrillon ne le supportait que difficilement.

    Même l’amour de son Prince, les égards avec lesquels il l’entourait, l’affection du Roi et de la Reine ses beaux-parents, ne suffisaient pas à chasser cette morosité qui, insidieusement pesait sur son cœur et la rendait mélancolique. Elle comparait son ancienne existence à sa situation actuelle et elle soupirait tristement.

    Parfois, assise au fond d’un confortable fauteuil près de la fenêtre dans son salon privé, Cendrillon rêvait. Que de souvenirs lui revenaient en mémoire !

    Elle ne pouvait s’empêcher de songer à l’époque où elle habitait dans la maison paternelle avec ses deux demi-sœurs et leur mère. Là-bas, elle avait toujours tellement à faire ! Elle se souvint qu’elle s’occupait elle-même de la maison de sa marâtre : du ménage, de la cuisine, du jardin et du potager, du poulailler, des travaux divers et variés qui l’accaparaient chaque jour. Il fallait laver le linge, nettoyer, astiquer les casseroles, préparer les repas. La jeune fille devait aider ses sœurs à leur toilette, ranger leurs chambres, faire les courses. Elle réfléchissait aussi aux mille et une petites choses qui constituaient jadis son quotidien. Elle pensait avec nostalgie à l’époque où elle cousait, raccommodait ses pauvres vieux habits, où elle lavait ses cheveux sans se soucier de s’éclabousser un peu, ou elle cueillait des fleurs pour embellir sa mansarde. Elle revoyait les moments agréables où elle s’asseyait près de la cheminée pour se réchauffer les mains et où les cendres venaient se déposer sur ses gros sabots de bois et les rendaient gris au point que ses belles sœurs l’avaient surnommée de ce nom ridicule Cendrillon. (Au début elle détestait qu’on la nomme ainsi, mais petite à petit, elle considéra que ça lui allait bien et désormais, personne ne l’appelait autrement.) Elle n’avait été que le souffre douleur de ses deux demi-sœurs et de sa belle mère. Mais elle avait son libre arbitre et pouvait faire ce que bon lui semblait à ses rares moments de liberté. Avec un pincement au cœur, elle sortait de sa cachette un plumeau apporté en souvenir de son ancienne existence lors de son mariage et le contemplait avec tristesse.

  • Terra Incognita (1)

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    Je m’appelle Milan Strabievitch et ce qui suit est mon aventure. Je me trouve seul sur une autoroute quelque part entre la ville de Bordeaux et les landes, ma femme et mes enfants m'ayant quitté après une dispute homérique. Du moins, je le suppose car je n’ai aucune certitude sur l’endroit exact où je suis. Je roulais sur cette route lorsque les événements que je m’efforcerais de raconter ce sont produits. Devant moi, à perte de vue le chemin qui mène à Biarritz et les plages océanes. Le bitume se déploie à l’infini sous une lumière blanchâtre et aveuglante dans un cadre sordide et désolé.

    Alors que je trace fébrilement ces quelques lignes sur un cahier d’écolier déniché dans les affaires de mon fils, je doute que quiconque puisse lire ces feuillets. Cependant, je dois continuer à écrire dans l’espoir de laisser une trace, comme une empreinte  de mon histoire à ceux qui pourraient venir à mon secours. Les heures s'écoulent lentement et écrire m'aiderait à supporter cette attente.

    Car, j’ai attendu en vain que quelque chose se produise, que ma femme et les enfants reviennent où que leurs voix me tirent du cauchemar où je suis plongé depuis bientôt deux jours. Lorsqu'elle s'est fâchée, je n'ai pas pris au sérieux ses menaces. Elle se met souvent en colère pour pas grand chose. Mais il m'a fallu admettre que cette fois il ne s'agissait pas d'une dispute habituelle. Je l'ai vu descendre de la voiture et s'éloigner tête haute, en tenant dans chaque main celles de nos enfants et disparaître dans la poussière grise de la route. Mais commençons par le commencement.