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Les contes du Bombyx - Page 19

  • Le petit Chaperon voit rouge (9)

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    Après les révélétions du miroir enchanté, les trois compagnons restèrent songeurs un long moment.

    - N'y aurait-t-il pas un moyen de ramener Platon et la petite fille sur le vaisseau ? demanda Phyllis au Capitaine. Après tout, vous êtes un  Capitaine expérimenté. Ce ne serait pas la première fois que vous affronterez des phénomènes aussi étranges. Vous devez trouvez une solution ! Il le faut.

    Le Capitaine ne répondit pas et sembla plongé dans une profonde méditation. Phyllis et le Cracheur de feu respectèrent son silence et au bout d'un moment, l'homme se leva et, tirant un petit carnet d'une ancienne armoire sculptée, se mit à le consulter, parcourant rapidement les pages jaunies à la recherche de quelque indice. Il termina et rangea le carnet  à sa place avant de prendre la parole.

    - Il est vrai qu'au cours de mes périples j'ai du faire face à de multiples dangers et à des situations complexes. Néanmoins, j'ai toujours affronté ces événements seul. Il s'interrompit et réspira profondément avant de poursuivre. Depuis le jour où je j'ai quitté mon pays natale, jamais aucun passager ne prit place dans mon navire. Aucun marin ne m'accompagna et aucun humain ne voulut le faire. Tel est ma malédiction ! Les années passèrent et je me suis habitué à cette solitude et je m'en accommode. Et voilà qu'un jour par ennui ou par jeu je vous propose de monter dans mon vaisseau en étant quasi certain que cela ne pourrait se faire et que vous refuseriez. Vous prendriez peur comme de centaines d'autres personnes à qui je l'avais déjà proposé. Je n'avais pas cru cela possible. Pourtant, nous voilà ensemble. Je ne sais si c'est un signe du destin.  Le fait est que cela est. Aussi étrange que cela puisse paraître, quelque chose a changé dans les données initiales. Il me vient donc l'idée, de rebrousser chemin, et dans les  mêmes conditions que ce matin, repasser sur le point d'impact avec l'île sur laquelle se trouve Platon et la petite fille.  En calculant avec précision notre trajectoire, en prenant en considération les facteurs météorologiques,  il serait  possible de récuperer, l'agneau et la petite fille au bord du navire. Rien n'est sûr et je n'ai aucune garantie de la réussite de ce projet, mais  cela vaut la peine d'être tenté, conclut-il. maroc.jpg

    Phyllis s'enthousiasma à l'idée. Reconnaissante envers le Capitaine, notre petit Chaperon s'élança vers lui, entoura de ses bras frêles son cou puissant, et lui imprima un baiser sonore sur la joue. Elle craignit que son audace ne déplût au Capitaine ;   pour dissimulé sa gêne, l'homme détourna le visage et toussa avant de lancer ses ordres à Phyllis et au Cracheur de feu. La petite fille se promit de faire attention à l'avenir et,  heureuse s'occupa du mieux qu'elle put.

    Fébrilement, les préparatifs se mirent en place, grâce au miroir enchanté on prévint Platon qui alla à la rencontre de la petite fille de l'île afin de l'informer de la situation,  on discuta, conjéctura, supputa et enfin on agit.

    Malgré les mises en garde du Capitaine et du Cracheur de feu sur un échec éventuel, Phyllis pérsuadée du succès de leur plan ne se laissa pas décourager et ne cessait de bavarder avec Platon et sa nouvelle amie océanne. Le moment de l'impact fatidique approchait inéxorablement. Phyllis ferma les yeux et pria avec toute l'ardeur de sa jeunesse. Elle resta ainsi, immobile, n'osant pas faire le moindre geste lorsque un cri de triomphe retentit d'un bout àl'autre du vaisseau. C'était le cracheur de feu posté dans la câle à l'endroit où Platon avait disparu qui faisait éclater sa joie. Quelques instants plus tard, on le vit surgir dans la cabine du Capitaine, avec à ses trousses, Platon et la petite fille océane.

    Ils avaient réussi !

  • Le Petit Chaperon voit rouge (8)

    Navigation.jpgLe Capitaine, un homme taciturne et sombre, considéra les propos de Phyllis avec circonspection. Il ne comprenait pas par quel moyen l'agneau se trouva depuis la câle sur une île étrange au milieu de la haute-mer. Il consulta ses cartes et ses instruments de navigation, vérifia leur position sur un Atlas usé et une ride profonde creusa son front. Il décida enfin de parler.

    - Je ne sais que dire, commença-t-il. Si mes vérifications sont exactes, et il n'a aucune raison pour qu'elle ne le soient pas, aucune île n'est signalée dans un périmetre de cent miles à la ronde.

    - Vous devez vous tromper Capitaine, objecta le petit Chaperon rouge. Platon n'a pas pu nager plus de quelques pieds, car il est jeune et sa résistence est limitée.

    - Cela n'explique pas comment il s'est retrouvé sur l'île depuis la câle du navire. intervint le Cracheur de feu. Aurait-il ouvert une quelconque écoutille pour se jeter à l'eau ?

    - Probablement pas. Il doit y avoir une autre explication. Il m'est d'avis que ton miroir enchanté pourrait nous aider bien que je déteste cet objet, ajouta le Capitaine.

    - Hum... Il faudra un jour que vous nous racontiez pourquoi vous l'avez enfermé au fond d'un débaras sombre et malodorant alors qu'il est capable de prodiges, Capitaine, répondit Phyllis. Mais d'abord, dites-moi ce que je dois faire.

    Le Capitaine prit le miroir qu'il  posa sur la table devant eux.

    - Miroir, j'ai besoin de connaître par quel moyen Platon l'agneau, s'est retrouvé sur une île déserte qu'aucune de mes cartes maritimes n'indique à cet endroit.

    Le Cracheur de feu et Phyllis retinrent leur souffle. La surface du miroir ne se troubla pas comme elle le faisait d'habitude avant de montrer quelqu'un ; elle était devenue rouge, puis violette, bleue, jaune. En quelques mots elle passa par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel avant de prendre une teinte blanche laiteuse.

    - Vous me demandez mon aide maintenant ? Il y a quelque temps vous étiez contant de vous débarrasser de moi. Mais je vous dirai ce que je sais parce que j'aprécie Phyllis qui m'a libéré. Pour elle, je vais faire cet effort. répondit le miroir.Capitaine.jpg

    Le Capitaine resta muet et le miroir enchanté poursuivit.

    - L'agneau n'a pas ouvert d'écoutille, ne s'est pas jetté à l'eau, n'a pas nagé. Il était descendu dans la câle pour se cacher, lorsque le Vaisseau traversa un parallele particulier en Haute-mer. Sur cette latitude, un homme créa jadis un univers magique pour sa fille qui avait perdu la vie dans un naufrage*. Si un navire traverse un point précis lorsque la petite enfant rêve de ne plus être seule sur son île, alors un miracle se produit, et un être vivant parmi les voyageurs reste sur l'île pour que la fillette ne soit plus seule.

     

    * Jules Supervielle, L'Enfant de la Haute-mer

     

  • Le Petit Chaperon voit rouge (7)

    Tempete-turner.jpg Le petit Chaperon rouge était inconsolable d'avoir perdu son ami Platon. Le soir arrivait et il fallait se faire à l'idée que le petit agneau avait abandonné le navire. Phyllis, s'en voulait énormement. Enfermée dans sa cabine, elle pleurait à chaudes larmes et de guerre lasse s'endormit. Elles rêva d'un pré verdoyant où Platon s'amusait à poursuivre un joli papillon bleu léger et habile parmi les hautes herbes.  Sa joie de retrouver son ami fut telle, qu'elle se réveilla en sursaut pour constater que l'animal n'était toujours pas apparu. Elle ordonna sa robe et ses cheveux et se dirigea vers l'avant du bateau, là où se situait la cabine du Capitaine.

    - C'est entièrement de ma faute si Platon a péri en mer, déclara-t-elle. Je l'ai négligé. Je n'avais qu'une seule idée en tête le miroir enchanté.

    Elle s'arrêta soudainement.

    - Mais au fait, qu'ai-je fait du miroir ? Je ne supporterait pas de le perdre lui aussi.

    Elle se concentra et finit par se rappeler qu'avant de partir à la recherche de l'agneau, elle avait laisser l'objet sur le pont près du mât de misaine. Elle s'empressa d'aller le chercher. Quelle ne fut pas sa surprise de voir la surface se troubler quelques instants avant de  laisser paraître sur une plage sablonneuse, épuisé mais vivant, l'agneau tant aimé !

    - Platon ! Mon petit agneau bien aimé ! Tu n'es pas mort ! Oh! quel bonheur. J'ai cru que je t'avais perdu à jamais. Mais que t'est-il arrivé ? Nous t'avons chercher dans tout le navire. Que fais-tu sur cette plage ? Comment es-tu parvenu jusque là ?

    - Je suis contant de te voir Phyllis, s'exclama Platon. Je ne sais vraiment pas comment je me suis retrouvé ici. La seule chose dont je me souvienne c'est d'être descendu dans la câle parce que tu ne faisais pas attention à moi et je me sentais abandonné. Tu n'avais d'yeux que pour ton miroir enchanté... Il ne put terminer sa phrase, tant son émotion le submergeait.

    - Oh, que tu es bête d'être jaloux comme ça d'un objet ! Je t'ai négligé c'est vrai. Le miroir m'a permis de revoir ma maman. Tu sais , elle me manque tellement, que j'étais trop contente de pouvoir l'observer. Mais tu es toujours mon meilleur ami. Il faut te sortir de là.

    - Comment va-t-on faire ?

    - D'abord, il faut que je réflechisse. Peut-être que le Capitaine aurait une idée comment tu as atterri sur cette île et comment te ramener sur le vaisseau. Repose-toi pendant ce temps et je serai vite de retour. conclut-elle avant de ranger soigneusement le miroir et se mettre à la recherche du Capitaine et du Cracheur de feu.

     

     

     

  • Le Petit Chaperon voit rouge (6)

    Vous pensez sans doute qu'il y avait une parfaite entente entre nos personnages. Détrompez-vous. Parfois une réflexion mal interprétée  aboutissait à des chamailleries qui à leur tour tournaient  aux prises de bec et autres disputes déplaisantes, mais chacun veillait à ne pas tenir de propos blessants pour éviter les rancunes qui empoisonnent les esprits et l'existence. Par exemple, Phyllis détestait la couardise de Platon; ce dernier avait en horreur la témérité de la petite fille. Le Cracheur de feu n'aimait pas trop les animaux et plaisantait sur la chair tendre des moutons cuits à la broche ; Platon trouvait ce genre d'humour noir pitoyable et déplacé et s'indignait lorsque Phyllis riait de ces remarques.

    bebe-agneau.jpgLe Capitaine était taciturne et n'aimait pas trop les gens bavards ; ses hôtes ne cessaient leurs babillages, posaient  beaucoup de questions à son goût, et se lançaient dans des discussions interminables sur ce qu'ils allaient faire une fois arrivés sur les côtes de la lointaine Europe. Bref, ils avaient des raisons de se chamailler. Ce matin-là, ils faillirent se disputer pour de bon.

    Après le petit déjeuner, le petit Chaperon rouge, s'assit sur le pont du navire près du mât de misaine pour examiner tranquillement son Miroir enchanté. L'objet la fascinait. Elle était si contente de voir sa maman alors que des centaines de kilomètres la séparait d'elle,  que Phyllis  passa la matinée  à contempler l'objet  magique. Platon prit ombrage car il se sentit délaissé. Il éprouva une grande tristesse. Il crut que  désormais, la petite fille ne voudrait plus de lui et qu'elle cesserait d'être son amie. Pour cacher sa peine, il se réfugia dans la câle du bateau et resta là sans autre compagnie que la pensée de Phyllis et du Miroir. Les heures passèrent et Phyllis déscida de rejoindre l'agneau. Ne le voyant nulle part, elle s'affola et se précipita chez le Cracheur de feu qui jouait aux dames avec le capitaine.

    - Où est Platon ? Je l'ai cherché partout et il est introuvable ! N'aurais-tu pas fait encore une de tes plaisanteries stupides qui l'ont poussé à partir ?

    Le Cracheur de feu la contempla d'un air dubitatif.

    - Partir ? Mais où donc ? Nous sommes en mer !

    - Non, il n'y est pas ! s'écria le petit Chaperon des sanglots dans la voix. Je l'ai appelé partout. Platon est parti ! Que vais-je faire sans lui ? Sans moi, comment trouvera-t-il l'aviateur et le Petit Prince ?

    - Ne t'en fait pas Phyllis. Il doit se cacher quelque part. Nous le retrouverons.

    Le Cracheur de feu, Phyllis et le Capitaine se mirent à le recherche de Platon et fouillèrent le navire de fond en comble. Le soir venu  force fut d'admettre que Platon s'était volatilisé.