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Les contes du Bombyx - Page 10

  • La ville engloutie 15 (Le Petit Chaperon II)

    gorgone3.jpg

    - Il y a de part le monde, mes enfants,  certaines personnes qui éprouvent du plaisir à  détruire la vie des autres.  Leur seule satisfaction consiste à faire souffrir les autres. Elles sont égoistes et orgueilleuses et souvent elles sousestiment leurs adversaires. Mais il existe toujours  d'autres  personnes capables de   bouleverser les plans machiavéliques des premières. Ainsi la Sirène des mers pensait anéantir le Hollandais volant, ses amis et son équipage en abusant de ses pouvoirs maléfiques. Elle n'avait pas envisagé qu'une vielle connaissance surgirait sur son chemin pour bouleverser ses projets ignobles.

    - Dis, grand'père, tu nous raconte l'histoire de la Gorgone ? demandèrent les enfants-vers du mûrier au conteur lorsqu'il fit une pose pour se désaltérer.

    Le vieux Bombyx  considéra son auditoire avec circonspection.

    - Peut-être une autre fois. Pour le moment nous devons poursuivre les aventures du petit Chaperon rouge et de ses amis avant d'envisager un autre récit.

    - Mais nous voulons savoir si la Gorgone va s'en sortir ! Va-t-elle retrouver la Sirène des mers ? Que s'est-il passé entre elles ? Pourquoi la Gorgone veux se venger ?

    - Pas si vite ! Chaque chose en son temps ! Poursuivons. Laissons la Gorgone panser ses plaies et retournons dans les profondeurs de l'Océan, là où la Sirène des mers a trouvé refuge. L'attaque de la Gorgone l'avait épuisée. Elle subissait le contre coup du choc de voir son ennemie en vie alors qu'elle la croyait morte. Elle s'allongea sur sa couche d'algues et ne tarda pas à s'endormir.

    A plusieurs lieues au-dessus de l'endroit où reposait la Sirène des mers, le soleil brillait ce jour-là chaleureux et bienveillant, une brise parfumée caressait la surface de l'eau, le ciel se parait d'un bleu éclatant et nos personnages décidèrent de mettre les voiles vers les côtes hollandaises. L'équipage s'activa avec ardeur, des rires et des chants accompagnaient les manoeuvres et Phyllis le petit Chaperon rouge s'installa avec Océane et Platon l'agneau sur le pont du navire afin de profiter de cette belle journée et du départ. Accoudée au bastingage elle contemplait le littoral lorsqu'elle aperçut au loin une barque qui se dirigeait vers eux.

    - Regarde, Océane ! On dirait que quelqu'un cherche à nous rejoindre ! Il faudrait prévenir le Capitaine.

    - Tu as raison. Allons vite le voir.

    Aussitôt, elles partirent à la recherche du Capitaine et peu de temps après, ils accueillait sur le navire un petit personnage porteur d'un message pour le Capitaine.

    - Il faut que j'aille à terre  le plus tôt possible ! Nous annulons notre départ jusqu'à nouvel ordre.

    Sur ce, sans autre précision, le Capitaine demanda à deux de ses hommes de l'accompagner et il monta dans la barque.

    - C'est peut-être dangereux, Capitaine. Ça pourrait être un piège,  dit Phyllis. Ne partez pas sans nous ! J'aimerai tant vous accompagner.

    - Phyllis a raison, nous venons avec vous. intervint le Cracheur de feu. Nous prendrons un des canots du navire.

    - D'accord. Laissons le messager retourner à terre et allons-y de notre côté.

    Sans plus attendre, le Capitaine donna ses instructions et quelque temps après, un canot avec nos amis à son bord, se dirigeait à nouveau vers le littoral. Au port, ils suivirent le messager et s'enfoncèrent dans le coeur de la ville jusqu'à un grand bâtiment qui dominait les autres. A l'entrée ils durent décliner leur identité et un homme en uniforme coloré les conduisit jusqu'à une pièce aux plafonds hauts qui semblait être une salle de réception officielle. Assis à un fauteuil au fond de la pièce et entouré de deux gardes, se tenait un vieil homme. Dès leur entrée, il fit signe au Capitaine et à ses compagnons d'approcher.

    - J'ai appris que vous avez réparé votre vaisseau et vous vous apprêtez à reprendre la mer, dit-il. Je sais qui vous êtes et je sais où vous voulez aller.

    - Nous n'avons pas la même chance, répondit le Capitaine.

    - Peu importe qui je suis. l'essentiel est que rien ne se passe dans ce pays sans que je le sache, dit l'homme. Je vous ai appelé ici parce que j'ai une requête à vous faire.

    - Je vous écoute.

    - Vous songez aller en Hollande, n'est-ce pas ? Je voudrais vous confier une mission pour moi.

    - Une mission ? De quel genre ?

    - Il s'agit d'une commission plus exactement.

    Le vieil homme fit un signe à un des gardes qui s'éclipsa quelques instants et revint en tenant un petit coffre semblant très ancien assez lourd. Il le posa aux pieds de l'homme. Ce dernier se leva péniblement de son siège, se pencha avec une certaine difficulté, tira de sa ceinture une clef et ouvrit avec précaution l'antique couvercle. Puis, il prit un objet au fond du coffre et ferma à nouveau le couvercle. Se levant, il tendit une petite bourse au Capitaine.

    - Lorsque vous serez à Amsterdam, je veux que vous alliez à l'adresse que j'ai noté sur ce message, dit-il en donnant une lettre scellée à son interlocuteur. Une fois là-bas, donnez cette bourse à la personne qui y habite. Acceptez-vous ?

    - Cela me semble possible, répondit le Capitaine. Si nous arrivons sains et saufs jusqu'en Hollande, je le ferai.

    - Je vous en remércie. Cependant, prenez garde que personne n'ouvre la bourse avant d'arriver à Amsterdam.

    - J'y veillerai.

    - Bonne route alors, Hollandais ! Que les vents te soient favorables !

    Le vieil homme se tourna et disparut derrière une porte laissant le Capitaine regagner son vaisseau avec ses amis.

    Bientôt, le vaisseau, tel un oiseau qui déploie ses ailes, il hissait ses voiles vers les côtes hollandaises.

     

  • La Ville engloutie 14 (Le petit Chaperon II)

    Gorgone.jpgLe rire de Gorgone - car c'était elle- glaça le sang de la Sirène des mers. Son esprit  chercha fièvreusement à comprendre ce qu'il entendait, ce qu'il voyait.  Elle réflechit vite. Il fallait sortir rapidement de cette pièce, partir de cette cour, retourner vers la mer et les profondeurs accueillantes de l'océan. Comment avait-elle pu tomber dans ce piège ? Comment n'avait-elle pas envisager qu'un danger pouvait surgir  dans cette ville ? Elle n'avait perçu aucune menace. Aucune prémonition, aucun signe.

    Pour la première fois depuis des siècles et le début de cette aventure, la Sirène des mers se sentit vulnérable. Elle mesura les risques de poursuivre ce qu'elle avait entrepris. En se lançant à la poursuite du Hollandais volant, elle s'était exposée elle-même à des dangers qu'elle ne pouvait pas prévoir, ni affronter sans risques.  Plongée dans ses pensées, la Sirène ne vit pas la Gorgone se hisser sur son corps difforme et ramper vers elle. Elle recula d'un pas, fermant les yeux, lorsque le visage hideux et puant de la créature obscure s'approcha du sien. La voix sifflante se fit basse, trompeusement carressante.

    - Tu as peur petite soeur, peur de regarder en face les ravages de ton oeuvre !

    - Je... n'ai pas... peur de toi ! parvint à murmurer d'une voix blanche la Sirène.

    A nouveau le rire horrible de la Gorgone résonna autour d'elles.

    - MENTEUSE ! Ton corps tout entier transpire ta peur ! Ton coeur bât à se rompre comme celui d'un lapin qu'on égorge !  Ta misérable existance ne tient qu'à un fil ! Tu as peur pour ce que je vais te faire ! Tu es terrifiée à l'idée de ma vengeance !

    La Sirène des mers ne répondit pas. Elle gardait les yeux fermés, mais elle pouvait sentir l'haleine fédite de sa soeur lui lécher le visage. Chaque souffle lui brûlait la peau, chaque mot lui donnait la nausée. C'en devenait insoutenable. Pourtant, la Sirène ne bronchait pas. Elle laissait parler la Gorgone tout en  cherchant un moyen de se glisser hors de la pièce. Elle calcula la distance qui la séparait de l'ouverture, le nombre de pas qu'il lui faudrait accomplir pour traverser la cour jusqu'à l'allée, puis vers les rues fréquentées de la ville jusqu'au port. Pour gagner du temps, il fallait tromper son ennemie, endormir ses soupçons, lui laisser croire qu'elle avait l'avantage ! "Parle donc, ma soeur chérie, pensa-t-elle. continue  ! Déverse ton venin ! Tu en meurs d'envie ! " Il fallait la pousser à poursuivre coûte que coûte.

    - Je... te croyais morte ! dit-elle enfin.

    - Ha ! tu aurais aimé, n'est-ce pas, que je sois morte ! Tu as oeuvré pour que je le sois !  Toutes ces années où je croupissais dans ce taudis, abandonnée de tous, tu as été seule à profiter librement de mes biens, de mon domaine, de mes pouvoirs. Désormais j'exige ce qui m'appartient de droit !

    - Comment as-tu... survécu ? balbutia la Sirène. Je croyais que Persée*, avait eu raison de toi ! Les rumeurs disaient qu'il t'avait décapité !

    La Gorgone exhala un bruit réptilien qui devait être un rire.

    - Il a presque réussi à m'anéantir ; du moins il l'a cru. Tous l'ont cru. Mais n'oublie pas petite soeur la capacité de régénération de nôtre race. Tel le phoenix renaissant de ses cendres, nous renaissons de notre sang !

    - Et le Hollandais ?

    La Sirène brûlait depuis un moment de savoir de quelle manière le Hollandais volant était parvenu jusqu'à la Gorgone.

    - Hum... Voilà un homme exceptionnel. Intelligent, cultivé ; bel homme de surcroît. Je l'aime beaucoup. Il s'est joué de toi, petite soeur ! Il a déjoué toutes tes machinations. Rien que pour ça, il me plaît.

    - C'est pour te venger de moi que tu l'as aidé ?

    - En partie. Pour d'autres raisons également que je n'ai pas envie de te détailler ici.

    La Gorgone se cambra sur sa queue serpentine et s'approcha un peu plus de la Sirène des mers. Sur son visage s'imprima un rictus de haine horrible et sur sa tête des centaines de serpents faisant office de cheveux se hérissèrent, battant l'air, sifflant et crachant leurs langues vénimeuses prêts à mordre la figure de leur adversaire.

    - Trève de badinage ! siffla la Gorgone. Prépare-toi à payer chèrement les souffrances et les humiliations que j'ai du endurer si longtemps !

    La Sirène des mers, comprit qu'il était venu le moment de s'enfuir, si elle voulait sauver sa vie. D'un geste rapide et décisif, empoigna le manche en ivoire d'un couteau qui pendait à son cou et  le tira de son fourreau. La lame  brilla d'un éclat froid et meurtrier. Sans perdre un instant, profitant de la surprise de sa soeur, la Sirène des mers planta le couteau jusqu'à la garde dans l'oeil gauche de la Gorgone. Laissant là sa victime, elle s'enfuit rapidement, franchit le seuil de la pièce, la cour et,  sans se retourner, sortit dans l'allée. Le hurlement de la Gorgone la poussuivit jusqu'au moment où les eaux de l'Océan se refermèrent sur son sillage.

     

    Persée : Héros de la mythologie grecque vainqueur de la gorgone Méduse dont la seule vue pétrifiait les victimes. Bénéficiant l'aide  d'Athéna, Persée trancha la tête du monstre. De son sang, naquit Pégase, le cheval aillé symbole des poètes.

  • La Ville engloutie 13 (Le petit Chaperon II)

    Circée.jpgCircée la magicienne ! Ce nom fascina Phyllis qui ne connaissait pas les oeuvres épiques d'Homère, et n'avait jamais entendu parler de la nymphe aux pouvoirs si particuliers.

    "Une créature  capable de transformer un être humain en fauve !  C'est vraiment extra-ordinaire ! " dit-elle à ses compagnons.

    Le récit du Hollandais révéilla la curiosité du petit Chaperon rouge ;  elle se promit de lire L'Odyssée à la première occasion. Elle se dit que si le Capitaine n'avait pas connu cette belle épopée, il n'aurait jamais pu trouver la solution à l'énigme de la disparition de l'équipage. Quant à Océane qui était restée de longues années seule sur son île, elle avait lu L'Iliade et L'Odyssée qui faisaient partie de la bibliothèque de son école.

    - Dès la première occasion, je t'offrirai les oeuvres d'Homère, promit le cracheur de feu. Ce sera l'occasion pour moi aussi de me cultiver un peu. Quand j'étais enfant, je n'aimais pas beaucoup l'école et je n'écoutais pas toujours mes professeurs. Je le regrète maintenant. Une chance que le Capitaine n'était pas comme moi !

    Ainsi devisaient nos héros, après l'heureux dénouement des événements ; gais et insouciants, confiants en l'avenir.

    Pendant ce temps, la Sirène aux pouvoirs maléfiques, de rage envoya dans les profondeurs son peigne d'or encrusté de nacre et de perles, cadeau d'un roi légendaire.

    - Ah ! Ça ne se passera pas comme ça ! Maudit Hollandais !  Tant que cela est en mon pouvoir, jamais tu n'atteindras les côtes hollandaises ! Mais d'abord je dois m'occuper de la vieille sorcière qui t'a aidé !

    Sans perdre un instant, elle nagea vers la surface, se dépouillant de ses attributs de Sirène et prit forme humaine. D'un pas allèrte, elle parcourut  les rues de la ville et parvint à une allée sombre et malodorante.  Arrivée à peu près au milieu, elle fit halte devant une habitation basse dont la porte  tenait à peine sur ses gonds. La Sirène des mers  poussa le battant vermoulu et pénétra dans une cour minuscule et humide. On aurait dit un vrai cloaque. Des  ordures en décomposition s'entassaient un peu partout depuis des années, les murs s'écaillaient, et des morceaux de plâtre risquaient de tomber sur le visiteur à tout moment.  Les odeurs nauséabondes agressaient  les narines et un être normalement constitué ne s'attarderait pas à cet endroit. Faisant fi du décor décrépi et des odeurs, la Sirène s'avança  et entra  dans une pièce sombre au fond de cette cour.

    La Sirène tourna  ses regards autour de la pièce. Dans un coin obscure, une forme indistincte bougea. Instinctivement, la créature marine fit un pas en arrière, juste à temps pour éviter un jet bleu qui, comme un éclair traversa la pièce de part en part et alla heurter  un tas d'ordures le pulvérisant entièrement.

    - Toi, enfin ! siffla une voix caverneuse sortant des ténèbres. Bien venue dans mon antre !

    Au son de cette voix qu'elle n'avait pas entendu depuis des siècles déjà, la Sirène des mers chancela. Le premier choc passé, elle murmura une incantation, se mettant à l'abri d'une nouvelle attaque. Elle s'éfforça de retrouver son calme mais sa respiration précipitée trahissait sa surprise et son appréhension. Elle était clouée sur place.

    -  Approche !  Approche ! poursuivit la voix. Viens plus près,  petite soeur ! Viens contempler ton oeuvre, petite soeur !

    La forme obscure se mit à rire. Doucement au début ; puis, son rire se transforma à un rire strident et horrible, se heurtant sur les murs, s'amplifiant dangereusement, perçant les tympans humains.

     

     

     

  • La Ville engloutie 12 (Le petit Chaperon II)

    dauphins3.jpgLe canot avec à son bord le Hollandais volant et ses compagnons, toucha terre au moment où le soleil déclinait à l'horizon. Les passagers débarquèrent et le Capitaine suggéra qu'on passât  la nuit  à l'auberge du port avant de  repartir le lendemain matin vers leur Vaisseau. Ainsi fait, ils prirent leurs dispositions pour la nuit et se retrouvèrent autour d'une table pour le repas du soir. Le Capitaine avait évité toute question relative à la disparition de l'équipage et tous brûlaient d'impatience en attendant qu'il racontât où étaient partis les marins du navire. Le dîner prit fin et le Capitaine ne fit aucune allusion. N'y tenant plus, Phyllis téméraire osa avancer.

    - Capitaine, vous avez dit tantôt que vous saviez où était l'équipage de votre vaisseau. Pourriez-vous nous en parler ?

    - Oui, nous voudrions le savoir, renchérit Océane. Qu'est devenu l'équipage ?

    Les autres membres du groupe acquiescèrent. Eux aussi voulaient connaître ce qu'étaient devenu leurs camarades.

    - Je comprends votre impatience, répondit le Capitaine. Mais je préfère d'abord vérifier si ma théorie est la bonne avant de vous en parler. Demain matin, avant de partir, j'ai quelques courses à faire au port. Allons nous reposer et demain je vous raconterai tout ce que je sais.

    Personne ne contesta et sur ce, ils se retirèrent pour la nuit. Le lendemain, tous étaient prêts bien avant l'heure. Ils arrivèrent sur la jetée, s'installèrent dans le canot en attendant le Capitaine qui ne tarda pas à paraître chargé d'une petite bouteille d'un liquide noirâtre.

    - Qu'est-ce que vous avez là, Capitaine ? demanda un des hommes.

    - Voici le moyen de ramener l'équipage ! dit-il en montrant la bouteille à l'étrange contenu. Et maintenant, en route !

    Les marins attrapèrent les rames et deux heures plus tard, la petite équipe se tenait sur le pont du grand voilier réunie autour du Capitaine qui à l'aide d'une craie avait tracé un cercle à l'intérieur duquel, distant de quelques centimètres, il en traça un second.  Il plaça en leur centre une  grande coupe métallique. Puis, tirant un bout de papier de sa poche, il recopia soigneusement dans l'espace vide que formaient les circonférences de deux cercles, une inscription  en caractères grecs.  Lorsqu'il termina, il demanda au Cracheur de feu d'allumer un feu dans la coupe métallique et de faire en sorte qu'il soit alimenté constamment jsuqu'à ce que tout soit términé. Le feu fut allumé et lorsque les flammes montèrent assez haut, le Hollandais déboucha la bouteille qu'il avait raporté et versa son contenu au milieu des flammes. Une odeur âcre et désagréable s'éleva en même temps qu'une fumée noire envahissait le pont provoquant des picotements des yeux et de la gorge de l'assistance.  Ceux qui se trouvaient les plus proches du cercle commencèrent à tousser, des larmes pleins les yeux. Cela durant quelques minutes qui semblèrent interminables. Mais soudain, la fumée se dissipa et l'air autour de la coupe métallique parût vibrer. Lentement, les vibrations dessinnèrent de légères ombres qui continuèrent à s'épaissir. Sous les regards ébahis de nos amis, les ombres prirent consistance et donnèrent place aux hommes de l'équipage.

    Assis autour du Capitaine, Phyllis, Océane, Platon l'agneau, et les autres pouvaient écoutaient les explications du Hollandais. Quelque temps plus tôt ils avaient salué le retour de l'équipage, son apparition de nulle part mais ils voulaient à présent tout savoir.

    - Le plus intriguant dans la disparition de l'équipage était l'absence de traces, commença le Capitaine.  Il n'y avait pas de traces de bagarre,  ni d'objet laissé à l'abandon ou quoi que ce soit qui aurait pu faire penser qu'un danger imprévu avait menacé mes hommes.  Tout sur le vaisseau était en ordre, ce qui me menait à penser que l'équipage était parti de son propre gré.  Où donc étaient-ils allées ?  Ils n'avaient pas gagné le littoral. Les canots, excepté du nôtre, étaient à leur place. Ils ne s'étaient pas jetés à la mer.  Nombre d'entre eux ne savant pas bien nager et ils ont peur de la noyade. Ensuite la marée les auraient  conduit sur la côte et on aurait retrouvé quelque traces de leur corps.  Avaient-ils subi le sort de Platon lorsqu'il a était projeté sur l'île océane ? Peu probable; il existe effectivement des passages d'un univers à un autre. Mais si proche des côtes européennes on l'aurait su !  Il y aurait eu des rumeurs parmi le monde et les gens de la mer.  Non, il fallait qu'il y ait une autre explication. Cela réveillait en moi un souvenir vague mais je n'arrivais pas à savoir exactement quoi. Quand nous avons terminé les réparation du navire et nous cheminions vers le littoral, les deux hommes de l'équipage qui restaient, se mirent à chanter une vieille chanson de mon pays natal. depuis trop de temps déjà nous naviguions sur les eaux. Cet air fit surgir en moi des souvenirs chers à mon coeur et la nostalgie de revoir les rivages de la Hollande m'étreignit. Je me suis senti comme ce malheureux Ulysse qui loin de son île natale, languissait de revoir sa patrie !

    Le Hollandais volant se tut plongé dans ses réflexions. Il reprit son récit d'une voix où perçait l'émotion.

    - Ulysse ! Ce héros condamné à parcourir les mers ! Son destin n'était-il pas semblable au mien ? N'étais-je pas comme ce roi abandonné de tous, maudit pour l'éternité ? N'avais-je pas perdu mes camarades sur les mers inhospitalières ? Victimes de mille dangers, tombés sous les griffes de la Sirène de mers, magicienne sans coeur ? J'en étais là de mes réflexions quand tout à coup, j'ai compris ! Mon équipage n'avait pas péri ! Il était là sous mes yeux et je ne pouvais pas le voir ! Tout comme Ulysse ne vit pas ses compagnons transformés en bêtes sauvages sur l'île de la magicienne Circée ! * Je répris espoir ! Je pouvais éssayer de rendre visibles mes hommes. Une fois sur terre, je me suis adressée à une vieille sorcière que j'avais rencontré quelques jours plus tôt. Je lui expliquais ce que je voulais et elle m'a donné de quoi secourir mes hommes. Ils n'avaient pas quitté un seul instant le navire, fidèles à leur Capitaine. Voilà toute l'histoire.

     

    * Homère, L'Odyssée