Un silence de plomb régnait en haut du mûrier. Personne ne parlait et tous les enfants-vers du mûrier retenaient leur souffle. La fin était évidente. L'histoire arrivait à son terme et le vieux Bombyx paraissait satisfait de la tournure que prenaient les événements. Non pas qu'il aimait la disparition du Hollandais volant, non. Mais la réaction des enfants vers montrait incontéstablement qu'ils appréciait beaucoup le Capitaine et qu'ils s'étaient attachés à sa personalité particulière. Il poursuivit donc lentement la suite de son histoire.
"Le lendemain de très bonne heure, Phyllis fut réveillée par sa maman.
- Il est temps pour nous de descendre à quai, Phyllis ! Nous ne pouvons guerre nous attarder sur le navire. Si le Capitaine nous a dit la vérité, dans très peu de temps, tout va disparaître et nous nous retrouverons à l'eau. Il faut que tu récupère tes affaires. Le Cracheur de feu va nous aider.
Le petit Chaperon rouge se leva à la hâte et prépara son sac. Ensuite elle monta sur le pont où l'attendaient sa maman tenant Platon dans ses bras, et le Cracheur de feu.
- Où est Océane ? s'enquit-elle. Il faut la prévenir.
Un silence accueillit sa question.
- Je vais descendre la chercher, se proposa-t-elle. De plus, je ne veux pas partir sans dire au revoir à tout le monde et embrasser le Capitaine.
Le Cracheur de feu s'avança vers elle et s'agenouilla.
- Je sais que tu sera triste Phyllis, mais Océane a décidé de rester sur le Navire avec le reste de l'équipage.
- Comment est-ce possible !
- Vois-tu, Phyllis, Océane ne fait pas partie de notre monde. Lorsque la malédiction qui pesait sur le Capitaine et ses compagnons a commencé à se lever, Océane a senti que son heure était venu également. Elle est, comme eux, l'objet d'un désir né de l'imaginaire d'un auteur ! Alors, elle aussi a commencé à disparaître.
- C'est impossible ! Comment je ferai sans elle ? se lamenta Phyllis. Je ne sais si je peux supporter tant de tristesse. D'abord le Capitaine, puis Océane !
- Tu dois te résigner, Phyllis. La vie est ainsi faite. Personne ne maîtrise son destin, encore moins le destin des autres. Il suffit de se dire que tu n'as pas tout perdu, que ta maman et moi resterons à tes côtés. Et puis, il y a les souvenirs de tous les moments passés ensemble, les aventures que nous avons vécus et partagées.
Triste, le coeur lourd, Phyllis suivit sa mère et le Cracheur de feu à terre. Son esprit vagabondait vers ses amis et elle ne savait comment exprimer cette peine qui l'emplissait tout entière. Mais il fallait se résoudre.
D'abord, il avait fallu qu'ils se trouvent un gîte pour la nuit. Ensuite le Cracheur de feu partit récuperer le reste des affaires sur le navire. Puis, ils s'installèrent tous dans un salon de thè pour se sustenter. Vers le soir, ils regagnèrent leur hôtel. A la réception, un message les attandait et le Cracheur s'empressa de le lire. C'était de la part du Capitaine. Il les informait qu'une surprise attendait Phyllis et Platon sur le navire et il se ferait une joie de les revoir une dernière fois pour leur souhaiter adieu. La mort dans l'âme, Phyllis suivit ses compagnons sur les quais. Dans la lumière du soir, le vaisseau du Hollandais volant se détachait comme une ombre immense sur le ciel orangé.
Le Hollandais volant les accueillit avec un large sourire. Océane se tenait à ses côtés et, derrière lui, Phyllis vit tout le reste de l'équipage. Océne se précipita dans les bras de son amie et elles s'embrassèrent en pleurant. Mais Phyllis remarqua que la petite fille de la haute mer présentait elle aussi les mêmes signes d'altération sur son corps que le Capitaine.