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humour - Page 6

  • Cendrillon et les talons aiguille (7)

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    Cendrillon ne se doutait pas des projets malveillants  de son Avatar.

    Pour le moment, les pieds plongés  dans une bassine d'eau salée préparée par les soins de Giselle, elle discutait avec son amie. Elle lui racontait les répétitions du matin, ses difficultés, ses faux pas, les humiliations du Maître de la danse, les moqueries de ses camarades et leur dédain. Les larmes traçaient des sillons disgracieux sur les joues de la jeune fille et son rimmel coulait abondamment, formant des cernes noirs autour de ses paupières. En la voyant on aurait eu du mal à reconnaitre en cette fille échevelée et abattue la splendide épouse du Prince.  La grâce et la délicatesse avaient disparus. Cendrillon renifla, accepta le mouchoir en papier que la main secourable de Giselle lui offrait et se moucha bruyamment. Contrariée de sa faiblesse momentanée,  Cendrillon répéta encore une fois la même chose.

    «  J'ai bien entendu, Giselle ! Il disait que je n'étais qu'une empotée ! Moi, qui avais la réputation d'être une excellente danseuse au Palais, voire la meilleure parmi les courtisanes !

    -          Allons ! Ne vous mettez pas dans tous vos états, lui conseilla Giselle. Ce qu'il vous faut ce sont quelques cours de danse, histoire de prendre confiance en vous et être fin prête pour la générale du spectacle. Vous avez suffisamment de talent pour y arriver.

    -          Vous le pensez vraiment ? demanda pleine d'espoir Cendrillon.

    -          J'en suis convaincue. Seulement, il faudra travailler plus durement. Un effort supplémentaire s'impose, sinon ils prendront quelqu'un d'autres à votre place et vous vous retrouverez au chômage.

    -          Mais comment faire ?

    -          Laissez-moi m'occuper de cela. Il suffit de passer deux-trois coups de fil. Pendant ce temps, débarbouillez votre visage. Je reviens dans un instant. »

    Giselle disparut dans sa chambre.

    Cendrillon se leva en soupirant, essuya ses pieds meurtris par des heures interminables d'exercices, alla s'enfermer dans la salle de bains. Elle se démaquilla soigneusement, se lava, se brossa les cheveux qu'elle attacha en une tresse, mit une confortable robe de chambre et alla s'installer devant la télé en attendant que Giselle termine ce qu'elle avait à faire. Cette dernière, le téléphone dans une main, une friandise dans l'autre, appela des vieilles connaissances et quelques amies qui étaient encore dans le circuit. Elle expliqua, discuta, parlementa, négocia, déploya des trésors de patience et, enfin, triomphante raccrocha le téléphone et alla trouver sa protégée qui se morfondait devant sa série préférée « Malcolm ».

    « Tout est réglé ! Mon ami Isa, vous prend en charge dès demain soir. Au programme, petite remise en forme, endurance, leçons de danse. Et maintenant, au lit, si vous voulez être en forme. »

     

    ***

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (6)

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    Juchée sur des talons d’une hauteur vertigineuse, Cendrillon s’efforçait  de suivre les indications du chorégraphe.

    « Qui m’a mis une cruche pareille, pensait avec amertume le Maître de danse. J’ai rarement vu une gourde pareille ! On ne sera jamais prêt pour l’ouverture du spectacle. S’il vous plaît mesdemoiselles ! déclara-t-il à haute voix. Reprenons à la troisième mesure, et tâchez de ne pas vous tromper ! Soyez dans le rythme, conclut-il en faisant signe au pianiste de reprendre. A mon signal ! »

    Il fit une pause, retourna s’asseoir face à la scène.

    "Prêtes, Mesdemoiselles ? Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, et cinq six, sept… STOP ! »

    Une rumeur se diffusa parmi les danseuses. Il s’avança  de quelques pas vers le groupe, sortit un énorme mouchoir de sa poche et s’épongea le front.

    « ARRETEZ TOUT ! Bonté divine quelle genre de danseuse vous êtes à le fin ? Lança-t-il à l’attention de Cendrillon. Vous ne pouvez pas faire attention ? Ce n’est pas compliqué ! Vous avancez de deux pas… poursuit le Maître en joignant le geste à la parole. Pirouette, on lève la jambe, et hop, on revient à la position de départ.  On recommence. Sept, huit. Et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit… Bien. Mesdames, c’est tout pour aujourd’hui. Je vous revois demain à sept heures précises. »

    Cendrillon suivit les autres danseuses dans les coulisses. Une fois dans la loge qu'elle partageait avec deux autres filles,  la jeune fille retira ses hauts talons avec  un soulagement manifeste. Elle prit le temps de masser ses orteils puis, elle glissa ses pieds meurtris dans une paire de charentaises que Giselle lui avait offertes. Elle avait des ampoules, ses pieds, ses jambes et ses orteils la faisaient souffrir atrocement.

    « Mes pieds sont si déformés, que je n’arriverais plus jamais à entrer dans mes jolies pantoufles de vair ! Soupira-t-elle. Si au moins, je pouvais rester me reposer à la maison demain ! » Elle savait pourtant, que cela était impossible, et que dès cinq heures du matin, Giselle l’attendrait avec une tasse de thé à la main pour l’accompagner à ses répétitions.


    ***

     

     

    Pendant que Cendrillon s'évertuait à tenir debout sur ses talons aiguilles, l'Avatar resté au palais à sa place, passait des journées heureuses et tranquilles. Elle avait tout ce dont elle avait besoin ; on prenait soin d’elle ; on faisait attention à ses moindres désirs ; et le Prince était parfaitement charmant. Une après midi où elle se promenait bras dessus-dessous avec l’héritier du trône, elle envisagea son existence avant d’arrivée au Palais. Ah ! Comme ce serait bien de rester toujours ici dans ce lieu superbe, entourée des gens de qualité ! Ne jamais se soucier des besognes bassement matérielles et vulgaires du quotidien ! Tout en hochant la tête à ce que lui murmurait le Prince à l’oreille, l’Avatar échafaudait ses plans.

    « Pourquoi je laisserai ma place à Cendrillon ? Elle n’apprécie pas plus que ça la vie au Palais ! Elle passait son temps à s’ennuyer et à se plaindre ! Je ne vois pas pourquoi elle aurait droit de profiter de tout alors que je suis cantonnée à faire les doublures ? Après tout, elle a choisi de partir ; personne ne l’a forcée. Elle était d’accord pour qu’on échange nos places. Il faut trouver un moyen pour qu’elle ne revienne plus… »

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (5)

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    Cendrillon écarquilla les yeux ébahie.

    Devant elle, sous des projecteurs rouge et or, brillant de mille feux, vêtu de paillettes et des strass, un groupe de jolies filles allait et venait au rythme d'une musique endiablée.

    "Je dois rêver !" fut sa première réaction.

    Elle ferma un instant les paupières puis regarda à nouveau la scène où le groupe de filles se dandinait, sautait, frappait du pied dans d'élégants sursauts acrobatiques. Abasourdie, Cendrillon serra convulsivement entre ses doigts tremblants un papier qu'une employée de L'ANPE lui avait confié tantôt.  Incrédule,  elle vérifia le papier puis elle inspecta de nouveau les lieux. C'était à ne rien comprendre. Cendrillon se tourna vers Giselle qui se tenait à côté d'elle. La vieille dame qui l'avait accompagnée dans ses démarches pour trouver un emploi, l'avait conduite jusqu'à cet endroit bruyant afin de l'encourager dans ses démarches.

    « Giselle, je ne crois pas que je pourrais... faire ça ! s'exclama la jeune fille en esquissant un vague  geste vers la scène où le groupe de filles terminait  son numéro sur un roulement de tambour.

    « Pourquoi pas ! répliqua sa compagne, l'œil pétillant et le sourire aux lèvres. C'est un joli spectacle plein d'entrain.  Il n'y a aucune honte à être danseuse de revue ou de music-hall. »

    « Enfin Giselle, regardez ces filles. Elles sont à moitié nues ! »

    « Sottises ! Vous n'allez pas vous formaliser pour quelques centimètres de peau de plus ou de moins. Vous n'êtes plus dans un conte de fées. Vous devez travailler pour subvenir à vos besoins. Avec vos peu de qualifications, il ne faut pas faire la difficile. Vous devez accepter ce travail. »

    « Mais... »

    « Il n'y a pas de mais ! Vous devez accepter. Il vous faut un emploi. Au début ça ne va pas être facile, je vous l'accorde. Vous allez apprendre petit à petit. Les filles seront ravie de vous aider.»

    Cendrillon n'était pas convaincue mais elle n'eut pas le temps de répliquer, qu'un homme d'une cinquantaine d'années s'approcha d'elles et se mit à examiner Cendrillon des pieds à la tête.

    «Hum, pas mal ! dit-il en connaisseur. Vous êtes la jeune fille envoyée par l'ANPE ? demanda-t-il sans cesser de passer en revue Cendrillon. Vous êtes un joli brin de fille. Votre peau sera parfaite avec un peu de maquillage. Nous prendrons vos mesures pour le costume. Allez sur scène pour que je vous voie danser ! »

    Cendrillon hésita, mais Giselle la poussa sans ménagement.

    « Pardonnez-la, elle est un peu timide, vous savez ! »

    « C'est sans importance, répondit l'homme. Au début toutes les filles sont intimidées de danser devant un étranger. Ne craignez rien Mademoiselle. Vous allez voir que ce n'est pas compliqué. Martine va vous aider. Martine ! cria-t-il et une femme assez jeune, petite et rondelette sortit des coulisses. Occupez-vous de cette fille, voulez-vous ? Elle vient d'arriver et il faut que je la voie danser. »

    Sans un mot, la prénommée Martine descendit de la scène et s'avança vers le petit groupe qui se tenait parmi les tables de la salle.

    «  Comment vous appelez-vous ?

    « Cendrine, balbutia la jeune fille.

    «  C'est un prénom un peu... vieillot si vous voulez mon avis. Il serait mieux qu'on vous appelle autrement, quelque chose de plus glamour, de beaucoup moins... »

    « Pourquoi ne pas la nommer Cendrillon, intervint Martine. Elle a quelque chose de particulier dans son maintien. »

    « Oui, vous avez raison. Un je ne sais quoi de romantique. Les gens sont avides de romantisme. Va pour Cendrillon. »

    Ainsi rebaptisée de son propre nom, Cendrillon s'éclipsa en coulisses. Giselle était heureuse pour elle. Ce travail permettrait à Cendrillon d'acheter quelques nouveaux vêtements dont elle avait besoin, s'acheter quelques babioles et accessoires indispensables.

    Maurice, le directeur du cabaret trouva la danse de Cendrillon un peu gauche et  retro, mais il avait besoin d'une danseuse de toute urgence. Il engagea donc la jeune fille, négocia âprement son salaire avec Giselle qui mit tout en œuvre pour favoriser sa protégé et  quelques heures plus tard, devant une tasse de thé chaud et parfumé, Cendrillon abandonnait ses derniers scrupules devant les perspectives qui s'offraient à elle, grâce à son premier emploi rémunéré. Elle embrassa chaleureusement  son amie Giselle et c'est l'esprit rempli de projets qu'elle alla se coucher.

     

  • Cendrillon et les talons aiguilles (4)

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    Sa valise à la main, Cendrillon se sentit perdue.

    Le sortilège de sa marraine l'avait expédiée devant une immense gare, dans un univers chaotique où tout était nouveau pour elle et où tout lui sembla hostile. Dès le premier abord, une odeur atroce la fit suffoquer. Elle toussa et  plissa son joli nez. Des larmes lui montèrent aux yeux et il lui fallut un temps pour respirer à nouveau normalement. Comment les gens qui vivaient ici pouvaient supporter cette puanteur ? Ce n'était pas tout ! Des bruits atroces jaillissaient de toutes parts ! Des carrosses tirés par aucun cheval mugissaient, crissaient, klaxonnaient. Des cris insupportables, des sons stridents, des exhortations diverses se mêlaient dans une cacophonie indescriptible. Ses oreilles en furent offensées. Des passants se pressaient, la frôlant presque. Ils  allaient, venaient, s'arrêtaient, repartaient, gesticulaient. Bref, une agitation extrême entourait notre héroïne.

    Une peur panique étreignit la jeune fille. Son cœur sombra au fond de sa poitrine.  Soudaine, la solution de la Fée-marraine lui parut absurde et ridicule. Elle-même se sentit ridicule. Quelle idée vraiment, de quitter son Prince, le palais, son bien-être pour se lancer dans un monde inconnu ! Découragée, elle regretta son empressement. Il aurait mieux valu qu'elle restât là où elle était, chez elle ! Désormais, il était impossible de revenir en arrière. Restait à souhaiter que le délai du sortilège passe le plus vite possible pour la ramener dans son monde.  Rassérénée quelque peu à cette réflexion,  Cendrillon fit deux-trois pas en avant. Elle hésita. Que faire ? Où aller ? Elle ne connaissait ni l'endroit ni personne.

    « Tout de même, pensa-t-elle.  Je ne peux pas rester plantée ici ! Je dois faire quelque chose ! Commençons par trouver un endroit où loger, puis, j'aviserai. »

    Serrant la poignée de sa valise, Cendrillon s'avança courageusement vers la première personne qui lui sembla digne de confiance, une dame d'un certain âge assise avec son chien sur un banc.

    « Excusez-moi, Madame, dit-elle d'une voix tremblante. Je suis étrangère ici, je ne connais personne et je voudrais trouver un endroit où loger provisoirement. Pourriez-vous m'aider ? »

    La dame examina son interlocutrice suspicieusement. D'où débarquait-elle ? Ses vêtements bien que correctes étaient affreusement démodés. Ses chaussures portaient des boucles brillantes ridicules et sa valise paraissait d'un autre siècle.

    « Je cherche un endroit où loger. Pourriez-vous m'aider ? » répéta plus fort Cendrillon croyant que la dame ne l'avait pas entendu.

    « J'ai compris, répondit la vieille femme. D'où sortez-vous accoutrée de la sorte ? On dirait que vous allez à un carnaval ! »

    - Pas du tout ! Dans mon pays tout le monde s'habille ainsi.

    -Ah ! Alors vous devez être de très loin, dépondit la vieille femme en examinant encore les vêtements de Cendrillon. J'aurais parié que vous vous êtes déguisée. Vous feriez mieux de changer de style si vous ne voulez pas avoir des ennuis.

    -Vous croyez ?

    -J'en suis sure ! N'avez-vous rien d'autre à vous mettre ?

    Cendrillon observa les habits de la dame, puis regarda les passants. Parmi eux des femmes. Elles portaient des jupes courtes qui laissaient voir leurs jambes sans une once de gêne. D'autres portaient des vêtements masculins mais personne ne paraissait s'en formaliser. Leurs chaussures avaient des formes et des couleurs variées. Elles avaient les cheveux coiffés librement, portaient des sacs et des bijoux et semblaient pressées et affairées. Cendrillon posa se valise, s'assit près de la dame et regarda ses propres habits.

    « C'est que... je suis partie précipitamment, murmura-t-elle accablée. Je ne m'attendais pas à ça ! Je me sens complètement perdue. Je viens d'arriver dans cette ville. Je n'ai pas où aller. Je n'ai personne vers qui me tourner. Pas moyen de rentrer chez moi avant un certain temps. »

    Devant son innocence, son air désemparé la dame eut pitié de Cendrillon.

    « Ecoutez, je ne vous connais pas, mais vous m'avez l'air d'une brave fille. Je vous propose de m'accompagner chez moi. Vous me raconterez votre histoire devant une tasse d'un bon chocolat. Je pourrais peut-être vous aider. Qu'en dites-vous ? »

    N'ayant pas d'autre solution, Cendrillon accepta avec gratitude. Elle suivit donc la dame chez elle dans un petit appartement non loin de la gare. Assise dans le minuscule salon de la vieille dame, sa tasse de chocolat dans une main et un beignet dans l'autre, Cendrillon raconta tout à sa bienfaitrice qui insista pour que Cendrillon l'appelât  par son prénom. Après l'avoir écouté attentivement, Giselle -c'était le prénom de la vieille femme- dit à Cendrillon.

    « Ton histoire est invraisemblable mais je te crois. Je vais bien t'aider. En attendant que le sortilège se termine, tu peux rester ici. Ce sera amusant ! Tu agiras à ta guise jusqu'à ce que tu rentre chez toi. Ne raconte à personne qui tu es vraiment et ce que tu fais ici ; les gens  te prendraient pour une folle et t'enfermeraient dans un asile ! Avant tout, il faudra te trouver un autre nom et une histoire qui te ferra passer pour quelqu'un de normal. »

    Cendrillon acquiesça. Elle faisait confiance à sa nouvelle amie.  Ainsi, elle accepta que Giselle l'aidât. Elle s'appellerait désormais Cendrine Grosjean et serait la petite fille de Giselle.